Le verre s’imprime en 3D
Le verre dans tous ses éclats
Des chercheurs rennais développent une imprimante spéciale. Elle fabrique des formes complexes… en verre !
Au premier étage de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, un barreau de verre alimente une imprimante 3D. Quelques minutes plus tard, du verre fondu sort d’une buse sous forme de filament. Il est déposé couche par couche sur un plateau, pour obtenir une forme prédéfinie par ordinateur. Une prouesse technique !
À la différence du plastique, du métal et même de la céramique, le verre est difficile à imprimer en 3D. « C’est un matériau fragile qui peut cristalliser pendant sa mise en forme », explique Johann Troles, chimiste des matériaux dans ce laboratoire. Pour la première fois, les chimistes ont réussi à imprimer une forme géométrique complexe en verre noir, opaque à l’œil nu. Il a l’intérêt de laisser passer la lumière infrarouge, une propriété recherchée dans les domaines militaire et médical.
Une fusion proche du plastique
L’aventure rennaise a commencé en 2018, lorsque Johann Troles doit concevoir une nouvelle pièce en verre noir, impossible à fabriquer avec les techniques classiques1. « Il s’agit d’un cylindre creux de quelques centimètres contenant 6 petits cylindres creux, dessiné par ordinateur, pour un passage optimal de la lumière dans l’infrarouge. »
Très vite, la technique de fabrication en 3D par dépose de filament fondu apparaît comme la solution la plus adaptée aux verres noirs. « Composés de sélénium, d’arsenic et de tellure, ils ont une température de fusion de 300 °C, proche de celle des plastiques couramment imprimés en 3D. »
Un an de travail2 et une bonne dose de bricolage, à partir de kits disponibles dans le commerce, ont été nécessaires pour développer une première imprimante 3D adaptée au verre. « Il a notamment fallu adapter la température de la chambre de fusion et trouver un système pour que le filament de verre adhère au plateau d’impression sans glisser. »
Sans oxygène, ni humidité
Les premières préformes en verre noir ont été imprimées fin 2019. « La forme est bonne mais il y a encore des défauts de transmission des infrarouges en comparaison avec les techniques classiques de fabrication », poursuit le chimiste. Pour améliorer la qualité de ces préformes, Antoine Gautier, assistant ingénieur au CNRS, développe une deuxième imprimante sous atmosphère inerte sans oxygène, ni humidité. « J’ai aussi installé un mécanisme permettant à la baguette de verre de 3 mm de diamètre d’être guidée jusqu’à la chambre de fusion sans risque d’être cassée. » Une révolution qui ne fait que commencer !
1. Moulage, extrusion ou perçage.
2. Avec l’aide de quatre autres chercheurs dont deux doctorants à temps plein.
Johann Troles
johann.troles@univ-rennes1.fr
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