Les squelettes de Téviec montent à Paris

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N° 293 - Publié le 2 décembre 2011
Didier Descouens - CC-by-sa
Analysés en 2010 par le Muséum de Toulouse, deux squelettes de Téviec seront exposés au Palais de la découverte.

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Archéologie - Deux squelettes de l’île de Téviec sont exposés à Paris. Ils racontent la vie sur les côtes bretonnes, 600 ans avant les menhirs.

C’est leur grand come-back. Les hommes d’avant les mégalithes arrivent au Palais de la découverte(1). Posons le cadre de l’époque. Au mésolithique (de 9600 à 5000 avant notre ère), l’eau monte et sépare les îles du continent, les derniers chasseurs-cueilleurs occupent le littoral. En Bretagne, ils ont laissé des traces à la Torche, Hoëdic, Beg er Vil (presqu’île de Quiberon) et sur l’îlot de Téviec, dans des amas coquilliers. « Ce sont des lieux d’habitat mésolithique, où sont entassés les déchets quotidiens, où les morts sont inhumés », explique Grégor Marchand, chercheur CNRS à Archéosciences, à Rennes (interview vidéo ci-dessous).

L’amas de Téviec a été fouillé dans les années 20 par deux archéologues amateurs éclairés, Marthe et Saint-Just Péquart. Ils ont mis au jour dix sépultures abritant 23 individus. « Ce site est fabuleux, tout était conservé ! Des os humains dans des tombes ou dispersés, des os de mammifères (cerf, sanglier, aurochs), d’oiseaux (canard, bécasse, pingouin, pygargue), des milliers de silex (déchets de taille, outils cassés), des perles en coquillages, des restes de poissons... » Partout en Bretagne, le sol acide a rongé les os. Ici, le carbonate des coquillages a tout préservé.

L’homme a vécu sur Téviec, alors presqu’île, de 5400 à 5300 avant notre ère. « Nous voulons comprendre leurs hiérarchies sociales, leurs guerres pour le contrôle des ressources marines, leurs territoires. » En plus des roches utilisées et de l’ADN (humains et animaux), la société se dévoile dans ses sépultures : pourquoi les tombes des enfants ne sont pas ornées ? Ont-ils été tués ? Ce type de questions était abordé au colloque qui réunissait, en septembre dernier à Vannes, les spécialistes mondiaux des anciens peuplements littoraux(2). Parmi eux, Grégor Marchand poursuit ses recherches. L’an prochain, il fouillera à Beg er Vil.

Les squelettes au scanner

Tandis que les recherches continuent en Bretagne sur ces amas, les squelettes de Téviec, eux, attendaient... Depuis les années 20, ils sont éparpillés dans les collections, surtout à Paris (Institut de paléontologie humaine) et à Toulouse (Muséum), où leur authenticité a été validée par les scientifiques(3). Jusqu’à cette année 2008, où le muséum les sort du placard, pour une exposition. « La première sépulture, mise au jour par les Péquart, est le sujet de notre exposition, explique Gaëlle Cap-Jédikian, chef de projet au Muséum de Toulouse. Sous des bois de cervidés, deux individus sont en positions fléchies, l’un contre l’autre, avec des offrandes et des parures. » Pour l’exposition, la préhistorienne a demandé à des anthropologues et médecins légistes d’enquêter, recherches ADN et scanners à l’appui. Et les révélations se bousculent ! Ces deux squelettes sont ceux de femmes, tuées violemment (coups sur le crâne, perforation au-dessus de l’œil), un troisième a reçu deux flèches. Les squelettes apparaissent alors, en 2010, sous un nouveau jour.

Ile de Téviec - © O.Macé« Ces sépultures sont exceptionnelles pour comprendre les sociétés, complète Gaëlle Cap-Jédikian. Les défunts sont mis en scène pour l’au-delà, Cela nous rapproche de l’humanité de la préhistoire. C’est très différent des menhirs, où il est impossible de s’identifier avec les constructeurs. » L’exposition (400 objets) a passionné le public toulousain (95000 visiteurs). Et les deux squelettes deviennent célèbres : en tapant “mésolithique” sur Wikipédia, ils arrivent en premier.

Les hommes et femmes de Téviec n’ont pas fini leur come-back. Les médecins toulousains, passionnés, souhaiteraient passer au scanner tous les autres squelettes ! Quant aux fouilles sur l’îlot breton, privé, elles ne sont pas programmées. Ces amas coquilliers sont pourtant fragiles et temporaires, victimes du tourisme et de l’érosion marine.
 

NICOLAS GUILLAS

Midi de l'Espace des sciences

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Vingt ans d'archéologie en Bretagne

Une autre grande exposition d’archéologie, déjà présentée au château de La Roche-Jagu, ouvre ses portes au musée de Bretagne, à Rennes, le 16 décembre. Soyons fouilles (4) présente les découvertes locales les plus récentes. Dix séquences chronologiques (du paléolithique à l’époque moderne) illustrent plusieurs thèmes aux titres volontairement décalés (“le trou normand”, pour parler des Vikings), au travers d’objets souvent inédits. Un décor “façon villa gallo-romaine de Mané-Véchen” (56) a même été reconstitué.

Du 16 décembre 2011 au 29 avril 2012.
Musée de Bretagne
www.musee-bretagne.fr

NATHALIE BLANC

  
(1) L’exposition “Préhistoire(s), l’enquête”, au Palais de la découverte (13 décembre 2011 - 17 juin 2012) a été créée au Muséum de Toulouse (octobre 2010 - juin 2011).

(2) Le colloque international Homer 2011 était organisé par l’UMR 6566 CReAAH (Centre de recherche en archéologie, Archéosciences, histoire). Site : http://homer2011.univ-rennes1.fr. 

(3) Notamment l’anthropologue Henri Victor Vallois, ancien directeur du musée de l’Homme. Le musée de Préhistoire de Carnac, qui a créé en 2008 une exposition sur les Péquart, contient aussi de nombreux objets découverts à Téviec, dont une sépulture triple avec les restes de deux femmes et un enfant.

(4 )Coproduction du Conseil général des Côtes-d’Armor, Rennes Métropole (musée de Bretagne, Les Champs Libres), en partenariat avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap grand Ouest), le Service régional d’archéologie de Bretagne, et le soutien du ministère de la Culture et de la Communication et du Conseil régional de Bretagne.

Grégor Marchand Tél. 02 23 23 66 10
http://blogperso.univ-rennes1.fr/ gregor.marchand

Gaëlle Cap-Jédikian Tél. 05 67 73 83 03
gaelle.cap.jedikian [at] mairie-toulouse.fr (gaelle[dot]cap[dot]jedikian[at]mairie-toulouse[dot]fr)

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