Des séances prennent du relief

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N° 316 - Publié le 10 janvier 2014

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Un nouveau pas va être franchi par l’Espace des sciences avec la projection de nouvelles séances en 3D relief.

Hubert Reeves, le célèbre astrophysicien et parrain du planétarium de l’Espace des sciences, sera là pour l’occasion. Le 20 janvier prochain, aura lieu l’inauguration de la salle, de son nouvel écran, mais aussi de son nouveau système de projection. Car dans plusieurs semaines, certaines séances seront proposées en relief. Dans certaines conditions. « Le relief, c’est un petit plus pour le public mais pas une fin en soi, expliquent Priscilla Abraham et Bruno Mauguin, responsables du planétarium. Cela fait partie de la mutation de l’équipement dans l’ère numérique. » Une ère qui a commencé il y a une quinzaine d’années, non loin de Rennes... à Pleumeur-Bodou, dans les Côtes-d’Armor, grâce à l’inventivité, l’acharnement et la patience de trois extraterrestres : Priscilla Abraham, Bruno Mauguin et Claude Ganter. Et à leur volonté de ne pas projeter des spectacles tout prêts. Bien avant l’ère du numérique, au temps des diapositives, ils avaient imaginé un système pour afficher les images voulues au moment opportun. Les débuts du temps réel !

À cette époque, nous sommes à la fin des années 90, le système de projection du planétarium de Pleumeur-Bodou est un planétaire numérique central (Digistar), une sorte de gros frigo qui renferme un tube électronique vert (la longueur d’onde la plus visible dans le noir) capable de projeter des points ou séries de points (images filaires) et de simuler les mouvements de la Lune, des étoiles, du Soleil. Les images texturées et en couleurs, au début des diapositives puis des films en images de synthèse, sont projetées par-dessus le ciel étoilé, grâce à dix magnétoscopes numériques couplés à des vidéoprojecteurs. « Le Digistar était très fragile. Notre hantise était qu’il tombe en panne, car, alors, on n’avait plus de ciel étoilé ! », se souvient Priscilla qui a d’ailleurs effectué plusieurs sauvetages...

Des étoiles à Noël

Au cours de l’été 98, Claude Ganter réalise que la prise inutilisée sur les vidéoprojecteurs pourrait bien servir et être branchée à... un ordinateur ! Ni une, ni deux, quinze machines, justement en promotion au supermarché du coin, sont achetées. Chaque vidéoprojecteur se retrouve branché à un ordinateur et Claude se lance dans la programmation : il crée le logiciel de planétarium numérique qui calcule les trajectoires des astres et commande l’ordinateur central, le master, qui synchronise et envoie les ordres aux machines périphériques qui affichent chacune leur partie du ciel. Le tout en temps réel. Résultat : en octobre 98, la Lune et le Soleil apparaissent, projetés par les vidéoprojecteurs et non plus par le Digistar central.

« Claude sautait partout !, se souviennent Priscilla et Bruno. Puis, nous avons créé les planètes, et les étoiles sont arrivées à Noël ! » Beaucoup plus complexe à créer et gourmande en puissance de calcul, la Voie lactée ne sera finalisée qu’au début de l’année 99.

Une première mondiale

Ingénieusement fabriqué, ce ciel étoilé en temps réel n’en est pas moins une première mondiale. Été 2000 : Pleumeur-Bodou devient le centre du monde. Des concepteurs de planétariums européens et américains font le déplacement. « On avait mis le capot sur le Digistar pour bien montrer que les images venaient des vidéoprojecteurs. » Les Américains repartent bluffés et proposeront plus tard à Claude Ganter de venir travailler pour eux. Ce qu’il fera en 2001. À Rennes, le projet des Champs Libres est en marche et l’Espace des sciences a un planétarium dans ses cartons. Bruno (en 2002) et Priscilla (en 2005) rejoignent le bateau. Le planétarium de l’Espace des sciences, qui ouvre en 2006 avec le bâtiment Les Champs Libres, est nourri par le concept de Pleumeur-Bodou, et gagne en puissance de calcul grâce aux progrès de l’informatique. Le choix est fait de ne plus projeter depuis le centre, mais depuis les côtés de la salle. Tandis que le nombre de projecteurs diminue, passant de six en 2006 à deux aujourd’hui pour couvrir tout le dôme.

Laisser parler l’Univers

En ce début d’année 2014, l’arrivée de la 3D relief n’est qu’une étape de plus dans l’aventure. « Notre première idée était plutôt de faire de l’immersif, précise Priscilla. J’avais cette envie de créer une séance avec peu de commentaires pour laisser parler les splendeurs de l’Univers. La 3D relief ne sera utilisée, pour son côté pédagogique, que quand cela s’y prête vraiment. » Et l’opération nécessite encore plus de puissance de calcul.

« Il a fallu doubler tout le système : les vidéoprojecteurs et les calculateurs. Un pour chaque œil », ajoute Bruno. La création des images, elle, reste la même. C’est la façon de projeter et de piloter qui change. Car contrairement au cinéma où les films sont tournés avec toujours la même parallaxe - ce qui donne des arrières-plans flous -, au planétarium, la parallaxe sera réglée tout au long de la séance (exactement comme le font nos yeux sans qu’on s’en rende compte) par les médiateurs. Du grand confort pour le public !

Le plané, c’est pas du ciné !

Au cinéma, comme dans la vie de tous les jours, notre vision est basée sur la balance des blancs. Et dans nos yeux, ce sont les cellules coniques qui travaillent. Leur temps de rafraîchissement est de vingt-quatre images par seconde. Dans un planétarium, c’est différent : la vision est basée sur la balance des noirs et ce sont les cellules en forme de bâtonnets qui travaillent, avec un rythme de soixante images par seconde. Un système de projection du relief créé pour le cinéma ne peut donc pas être utilisé dans un planétarium. Il ne s’agit pas non plus de la même technologie de lunettes.

Nathalie Blanc

Priscilla Abraham priscilla.abraham [at] espace-sciences.org (priscilla[dot]abraham[at]espace-sciences[dot]org)
Bruno Mauguin bruno.mauguin [at] espace-sciences.org (bruno[dot]mauguin[at]espace-sciences[dot]org)

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