Des jeux pour apprendre ?

N° 316 - Publié le 13 janvier 2014
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Visualisation du Serious Game Planète Vesta destiné à la formation des assistantes de vie.

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Après la vogue des Serious Games, leur efficacité est passée au crible des chercheurs rennais en psychologie cognitive.

Passer par le jeu pour acquérir des connaissances, la recette ne date pas d’hier. Et elle n’est pas réservée aux enfants. Chez les adultes aussi, le jeu peut être efficace. À l’ère des nouvelles technologies, il prend souvent la forme d’un Serious Game, littéralement jeu sérieux (lire encadré). Éric Jamet et Séverine Erhel, deux chercheurs du Centre de recherches en psychologie, cognition et communication (CRPCC) à l’Université Rennes 2, ont participé à l’élaboration de Planète Vesta(1) : un Serious Game imaginé par l’institut de formation Iperia (Paris), développé par la PME bordelaise Libéo avec le Laboratoire d’observation des usages des Tic (Loustic) à Rennes et destiné aux assistantes de vie pour personnes âgées.

Attirer des personnes non diplômées

« Comme toujours, nous avons travaillé avec les futurs utilisateurs du jeu, précise Éric Jamet. Les assistantes de vie nous ont aidés pour le scénario du jeu en donnant des indications sur l’intérieur du logement d’une personne âgée, en repérant les objets gênants comme des médicaments qui traînent sur la table. Elles ont aussi participé aux différentes phases de tests de jeu à Loustic. » Le jeu s’est avéré particulièrement utile pour ce métier où les compétences, gestes et savoir-être, ne sont pas faciles à retranscrire par écrit. « Il a aussi permis d’attirer vers la formation des personnes peu diplômées, qui ne se croyaient pas ou plus capables d’apprendre », complète Séverine Erhel. Le projet Planète Vesta s’est terminé en 2013 mais le jeu a encore besoin d’être étoffé avant d’être commercialisé. Il est toutefois utilisé en interne par l’institut de formation.

Attention comportements superficiels !

Si le Serious Game améliore la motivation, augmente-t-il vraiment la qualité des apprentissages ? C’est la question à laquelle se sont intéressés les deux chercheurs rennais, dans le cadre d’une étude, publiée en 2013, qu’ils ont menée au CRPCC. Pour y répondre, ils n’ont pas comparé les apprentissages dispensés par un professeur en salle, d’un côté, et un Serious Game Éducatif, de l’autre, car les contextes sont trop différents. Ils ont choisi de travailler sur un prototype de Serious Game adapté pour l’occasion, et de faire varier des paramètres à l’intérieur du jeu. Et, surtout, ils ont donné des consignes aux candidats avant le début de la partie. Dans une première expérience, un groupe avait pour consigne de jouer, un autre d’apprendre ! Dans cette deuxième configuration, les résultats se sont révélés meilleurs. « La consigne de jeu induit un comportement de traitement superficiel de certaines informations pédagogiques », précise Séverine Erhel. Dans la deuxième partie de l’expérience, les auteurs de l’étude donnaient toujours les deux types de consignes, mais ont ajouté dans le jeu un outil utilisé en e-learning : le feedback, c’est-à-dire un retour sur leurs réponses aux personnes en train de jouer. Là, ce sont les personnes en situation de jeu qui ont le mieux réussi (les autres ont des résultats similaires à la première expérience). « Dans un contexte de jeu, le feedback améliore la mémorisation des informations et réduit le risque d’apprentissage superficiel observé dans la première étude », analyse Séverine Erhel.

Les critères du jeu

Le dosage est donc subtil ! Et la limite entre le jeu sérieux éducatif et le logiciel de e-learning parfois ténue. Il ne suffit pas de concevoir un contenu pédagogique accessible via un ordinateur pour en faire un Serious Game. Le Serious Game est avant tout un jeu et doit respecter un certain nombre de critères propres aux jeux : un scénario, un ressort ludique, un challenge... « C’est ce qui les rend plus cher à produire qu’un module de e-learning, précise Éric Jamet qui travaille sur l’ergonomie des sites Internet et des logiciels d’apprentissage depuis de nombreuses années(2). Les Serious Games étaient très en vogue au début des années 2010 et, aujourd’hui, on voit bien que l’offre s’est un peu ralentie. Les enrichir avec des outils du e-learning paraît une piste intéressante. » Séverine Erhel continue dans cette voie : elle travaille actuellement sur deux jeux d’apprentissage de l’anglais et des mathématiques pour les enfants de 8 à 10 ans.

Plusieurs jeux en mode sérieux

La vocation d’un Serious Game n’est pas uniquement de faire jouer. Un Serious Game est un jeu sérieux ; c’est « une application dont l’intention initiale est de combiner, avec cohérence, des aspects sérieux (enseignement, apprentissage, communication, informations…) avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo. »(1) Dans la langue française, on use et abuse de ce terme, jusqu’à en faire un synonyme de jeux sérieux éducatifs (SGE ou Edugame), alors qu’en anglais, les Serious Game englobent aussi les jeux publicitaires (Advergame) et les jeux favorisant les échanges de données (Datagame).

(1)Alvarez et Djaouti (2008). Passage issu de “Comprendre les effets des Serious Games Éducatifs sur l’apprentissage et la motivation” (2012), de Séverine Erhel et Éric Jamet.
Nathalie Blanc

(1)Le projet Planète Vesta a été mené dans le cadre de l’appel à projets Serious Gaming lancé par Nathalie Kosciusko-Morizet en 2009. www.planetevesta.fr.

(2)Lire Sciences Ouest n° 226 - novembre 2005, www.espace-sciences.org/sciences-ouest/archives/internet-revu-et-corrige-par-les-ergonomes.

Séverine Erhel
severine.erhel [at] uhb.fr (severine[dot]erhel[at]uhb[dot]fr)

Éric Jamet
eric.jamet [at] uhb.fr (eric[dot]jamet[at]uhb[dot]fr)

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