La langouste comme modèle

N° 336 - Publié le 12 novembre 2015
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Pour son étude, Katell Hamon s'est concentrée sur le cas de la pêche à la langouste de Tasmanie.

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Katell étudie le comportement des pêcheurs face aux quotas et en mesure les effets économiques et biologiques.

Prix Grands problèmes sociétaux

Katell Hamon est une experte du monde de la pêche. À la fois économiste et biologiste, elle s’intéresse à la gestion des ressources aquatiques via les quotas instaurés par les États et aux comportements de pêche qui en découlent. Quand ces quotas sont répartis par pays (le système le plus courant en Europe il y a quelques années), les pêcheurs ont le droit de pêcher autant qu’ils veulent tant que le quota national n’est pas atteint. Conséquences ? C’est la course au poisson dès le début de l’année ! Les pêcheurs investissent dans de gros bateaux difficiles à rentabiliser et la gestion des ressources est déséquilibrée. Mais il existe d’autres manières de faire. Lors de sa thèse, réalisée entre 2007 et 2011 et codirigée par l’Ifremer et l’Université de Tasmanie, la jeune chercheuse a passé deux ans en Australie. « Depuis 1998, la pêcherie y est gérée par quotas individuels transférables (QIT) représentant une part du quota total en kilogrammes, alloués directement aux pêcheurs. » Le but de Katell Hamon était d’évaluer, dans le cas de la pêche à la langouste, la façon dont l’introduction des QIT avait affecté le comportement des pêcheurs, et d’en mesurer les effets économiques et biologiques.

« La théorie dit que les QIT sont économiquement intéressants pour les professionnels et qu’ils évitent une partie des conflits existant en Europe. Ce droit de propriété rendrait les pêcheurs davantage concernés par le respect de l’environnement, explique Katell Hamon. Mais la réalité est beaucoup plus complexe. » Les pêcheurs ont commencé à partir plus souvent en mer quand le prix de la langouste est au plus haut (hiver austral, Nouvel An chinois...) et moins souvent quand les prix et la qualité de la langouste sont au plus bas, après la mue estivale. Ils en retirent donc plus de valeur pour une capture totale égale. En revanche, le QIT a désormais une valeur marchande : il se vend, s’achète et se loue et devient un gagne-pain attrayant pour les investisseurs.

Une niche pour les investisseurs

« C’est pour cette raison que certains pêcheurs européens n’en veulent pas. Ils refusent que les investisseurs s’emparent du monde de la mer. » Et effectivement, en Tasmanie, ce sont des investisseurs qui rachètent les quotas. « L’efficacité de la pêche a globalement augmenté. Mais le métier de pêcheur a changé, on est passé des pêcheurs propriétaires de leur bateau et de leurs quotas à un système scindé où les propriétaires des quotas et ceux qui les pêchent ne sont pas les mêmes personnes. Il y a de moins en moins de pêcheurs complètement indépendants alors que cette liberté est, à l’origine, inhérente à leur métier. » Katell Hamon a donc développé un nouveau modèle bio-économique. « Une des solutions pour rétablir une équité serait d’instaurer des restrictions : le rachat de quotas pourrait être réservé aux pêcheurs mais limité en nombre, avec obligation de revendre son QIT après cinq ans d’inexploitation. »

Des pêcheurs qui s’adaptent

Pendant sa thèse, Katell Hamon a également évalué les conséquences du réchauffement climatique sur la pêcherie(1). « À la fin de leur stade larvaire, les langoustes s’installent sur une roche pour y grandir et se sédentarisent, explique-t-elle. Par l’effet du changement climatique, on constate effectivement que certaines zones sont de plus en plus désertées alors que la croissance s’accélère dans d’autres zones, y augmentant la biomasse de langouste. Mais contrairement à ce que l’on aurait pu penser, cela ne déstabilise pas les pêcheurs. » Tout simplement, ils s’adaptent et font évoluer leurs parcours de pêche.

« Je fais la passerelle entre la biologie et l’économie »

Lauréate : Katell Hamon

« À 14 ans, je voulais être vétérinaire pour animaux marins, commence-t-elle. J’ai finalement suivi un cursus d’ingénieur à Agrocampus Ouest, à Rennes. » Là, la jeune chercheuse découvre l’intérêt des mathématiques et des modèles informatiques. « J’ai donc trouvé un monde qui regroupe à la fois la biologie aquatique et l’économie : la pêche. » Profitant de la portée internationale de la Bretagne pour se créer un réseau, elle quitte son pays natal dès son stage de master pour de nouvelles contrées : le Danemark. Elle poursuit avec une thèse entre Brest et la Tasmanie pour atterrir, il y a quatre ans, aux Pays-Bas. « Mon mari est Néerlandais. Par chance, j’ai trouvé un poste aux Pays-Bas très rapidement et j’ai commencé quatre jours après ma soutenance de thèse, dans un institut de recherche de l’Université de Wageningen(1). C’est un peu l’équivalent de l’Ifremer, à Brest. Comme j’ai deux casquettes (biologiste et économiste), je fais la passerelle entre les deux mondes. » La chercheuse étudie toujours les comportements de pêche, mais se concentre cette fois sur les poissons plats et la crevette grise en mer du Nord. Elle participe également aux groupes de travail du Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), régulièrement consulté par la Commission européenne sur la conservation et la gestion des ressources aquatiques vivantes.

Thèse : Analyse bio-économique de la réponse d’une pêcherie à un changement de régulation de l’accès : le cas des quotas individuels transférables dans la pêcherie de langouste de Tasmanie.

(1) Le LEI : Landbouw Economisch Instituut, Wageningen University.
Klervi L'Hostis

(1) Pour en savoir plus : www-iuem. univ-brest.fr/fr/ocean-et-climat/ocean-et-climat-a-liuem/langouste.

Katell Hamon
tél. +31 (0)7 03 35 83 74
katell.hamon@wur.nl

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