Du plastique né en terre bretonne

Il y a tout ce qu’il faut en Bretagne pour faire du plastique écolo. La recette a été mise au point à l’Institut de recherche Dupuy de Lôme (voir encadré), à Lorient. Prenez des bactéries de mollusque, de type coque ou palourde. Plongez-les dans une cuve de 50 l d’eau usagée. L’eau qui a nettoyé des fruits et des légumes, chez un industriel de l’agroalimentaire, c’est parfait. Les bactéries se développent dans la cuve, grâce aux sucres et aux acides gras.

Après 24 heures, enlevez un peu d’azote. Les bactéries ressentent un manque. Elles stressent ! Alors elles font du “gras” : elles créent des réserves. De petites granules, appelées polyesters linéaires, ou PHA(1), apparaissent. Laissez fermenter encore 50 heures. Les bactéries se multiplient. Le liquide blanc de la cuve s’opacifie et s’assombrit. Nettoyez tout ça, cassez les parois des cellules et récupérez les granules. Extrayez-les et hop ! Vous obtenez du bioplastique 100 % breton. Il est biodégradable, notamment en mer, et compostable.

L’emballage alimentaire

Le postdoctorant Pierre Lemechko travaille sur ce projet, baptisé BluEcoPha, coordonné par le professeur Stéphane Bruzaud(2). Les deux chimistes ont présenté ces recherches en mars au salon de l’agroalimentaire CFIA(3), à Rennes. La première application sera l’emballage alimentaire. Le domaine médical est aussi visé : ce plastique biocompatible peut servir pour des implants, des vis ou des fils de suture. Mais ce ne sont encore que des projets.

« Nous voulons passer à la phase semi-industrielle, de 50 litres à 2000 litres, explique Pierre Lemechko. C’est une montée en échelle, pour optimiser le procédé et valider son intérêt technico-économique. Cela s’intègre dans le concept des bioraffineries, sur un territoire local. » L’extraction et la purification du plastique, à séparer de la biomasse, posent encore problème. La solution classique consisterait à utiliser des solvants chlorés. Mais ce serait très polluant. « Nous étudions des méthodes à base de digestion enzymatique. Extraites d’organismes vivants, des enzymes digèrent les parois lipidiques des bactéries, sans attaquer les granules. » Toute la recette est tenue secrète, car les enjeux sont importants : des entreprises de l’agroalimentaire, du plastique et de l’emballage(4), participent au projet.

Un autre projet de plastique écolo, né à l’IRDL dans le laboratoire d’Yves Grohens, entre, quant à lui, en phase commerciale. Là encore, la matière première vient de la mer et des champs. La société Nanovia, créée en 2012 à Louargat (Côtes-d’Armor), produit des filaments plastique pour les imprimantes 3D. Depuis septembre, elle vend des filaments biosourcés. L’un d’eux est à base de poudre de coquilles d’huîtres. Cette poudre blanche, achetée auprès d’une société qui s’approvisionne chez les ostréiculteurs, est mélangée à du thermoplastique. Celui-ci, acheté chez un autre fournisseur, est fabriqué à partir des résidus de l’industrie agricole bretonne : des molécules extraites du blé, du maïs ou de la betterave, mises en fermentation.

Une lampe biodégradable

Nanovia modifie la recette initiale du thermoplastique, grâce à la poudre d’huîtres, et forme les filaments. De l’imprimante 3D sortent alors des produits biodégradables, et certifiés sans perturbateurs endocriniens. Ici, aussi, la recette est secrète, comme l’accord qui lie Nanovia et l’IRDL. Des industriels de l’outillage utilisent ce filament biosourcé. Des entreprises du design sont aussi clientes : une lampe biodégradable, c’est chic ! Nanovia a présenté cette innovation au salon Jec(5) en mars, à Paris. Des entreprises allemande, finlandaise, québécoise, américaine, japonaise étaient vivement intéressées.