Hissez haut le cerf-volant !

Cap sur le zéro carbone

N° 382 - Publié le 8 septembre 2020
ENSTA BRETAGNE
Conçue par la Société Océa d'Yves Parlier, une voile de cerf-volant tracte un semi-rigide devant Saint-Tropez.

Magazine

4236 résultat(s) trouvé(s)

Des bateaux de plaisance sont tractés par des cerfs-volants. Yves Parlier veut maintenant équiper des navires de marchandises avec ces voiles.

Avez-vous déjà vu un cargo tracté par un cerf-volant ? C’est l’objectif du projet Beyond the Sea1, né à Arcachon et porté par le navigateur Yves Parlier. Le skipper a déjà équipé une quarantaine de bateaux de plaisance avec des voiles de cerf-volant2. « Après avoir arrêté ma carrière sportive, j’ai souhaité élaborer des nouveaux moyens de propulsion pour les bateaux », explique-t-il. L’usage du cerf-volant (kite, en anglais) lui est apparu comme une solution de propulsion vélique pertinente.

À 300 m d’altitude

La voile de kite, réalisée à partir d’un polymère3, est rigidifiée par des boudins gonflés à l'air comprimé. Elle se plie et se déploie, au gré du vent. Si elle était souple, elle ne serait pas intéressante d’un point de vue aérodynamique. Sa petite taille et sa mobilité font sa force !

À l’inverse des gréements classiques fixés sur le pont, le kite s’élève jusqu’à 300 m. « Il va chercher un vent stable et plus fort en altitude. C’est un avantage majeur », explique Christian Jochum, enseignant-chercheur4 à l’Ensta Bretagne, l’un des partenaires du projet.

Le cerf-volant se déplace aussi vite que le bateau, ou s’élance à l’avant du navire avec sa propre vitesse. « Le kite peut évoluer à 100 nœuds dans un vent de 20 nœuds, précise Yves Parlier. À surface égale avec une voile classique, il multiplie par 25 sa force de traction ! » Depuis le navire, le cerf-volant peut être piloté mécaniquement. « Il dessine des trajectoires en huit et augmente son vent apparent5 et sa por-tance6. Le cerf-volant fournit ainsi plus d’effort de traction. Sa forme et son fonctionnement aérodynamique seront comparables à celui d’une aile d’avion », explique Christian Jochum.

Selon les modélisations des chercheurs, une voile de cerf-volant de 5 m² peut atteindre 500 kg de traction, soit 100 kg/m². Un kite d’une surface de 2 000 m² peut tracter 200 tonnes… Soit autant que le remorqueur de haute mer l’Abeille Bourbon7 !

25 % de carburant en moins

Les scientifiques examinent la viabilité de ce système de propulsion auxiliaire, ainsi que les gains de consommation en carburant. « Cela permet d'évaluer la réduction des émissions de gaz des navires, précise Christian Jochum. Pour un grand cerf-volant, attaché à un navire de 55 000 tonnes qui fait le trajet New York - Cap Lizard8, l’économie de carburant est de l’ordre de 25 %. » Soit environ 134 tonnes de CO2 en moins.

Le but ultime du projet Beyond the Sea reste l’équipement de porte-conteneurs de la compagnie CMA-CGM pour valider ce système de voiles. Ce secteur est dans le vent. D’autres projets similaires ont vu le jour avec les sociétés Airseas à Toulouse et SkySails en Allemagne.

PAULE-ÉMILIE RUY

1. Projet Ademe. Lire “Quand le vent les portera”, Sciences Ouest n°322, juillet 2014.
2. La gamme Libertykite, pour les bateaux de 4 à 18 m, est produite par la société Océa d’Yves Parlier.
3. Sorte de matériau plastique.
4. Équipe Mécanique des structures navales.
5. Vent que subit le cerf-volant en mouvement.
6. Force que subit le cerf-volant.
7. Puissant remorqueur basé à Brest.
8. Pointe sud de la Grande-Bretagne.

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest