La peste noire a changé la vie de ses survivants
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Nous sommes en 1347 et un voilier en provenance d’Asie jette l'ancre en Méditerranée. À son bord, des rats sont infestés de puces, porteuses de la peste bubonique. C’est le retour d’un des fléaux les plus meurtriers du Moyen Âge. Après six siècles d’absence, la peste noire ressurgit plus dévastatrice que jamais.
Recherche d’un bouc émissaire
Près d’un tiers de la population européenne aurait péri entre 1347 et 1352.
« Un célèbre registre, tenu par le curé de Givry en Bourgogne, atteste que la moitié du village est décédée en trois mois1 », explique Florian Mazel, professeur d’histoire médiévale à l’Université Rennes 2. À cette époque, la maladie est un châtiment perçu comme un moyen de dialoguer avec Dieu.
« Cette logique divine rassure, elle donne la possibilité aux populations de “réparer” le mal. »
Des rituels de pénitence collective, comme les pèlerinages ou la dévotion envers certains saints2, sont organisés. Comme pour tout fléau, la population recherche un bouc émissaire… « Des massacres et des persécutions ont lieu envers les Juifs accusés d’avoir empoisonné l’air et les puits. »
Privation de certaines libertés
L’épidémie de peste a aussi justifié la privation de certaines libertés : les autorités politiques expulsent les populations pestiférées des villes et les voyageurs sont placés en quarantaine dans des lazarets3. En France, l’arrêt de la circulation des biens et des personnes est décidé à l’échelle locale par les conseillers municipaux et non par le roi et les seigneurs.
Certaines élites citadines fuient les villes, comme c’est le cas à Florence.
« Dans le Décaméron, l’écrivain Boccace raconte le quotidien de nobles, réfugiés à la campagne entre 1349 et 1353. » Pour la première fois en Europe, des villes sont confinées. De plus, des magistratures de santé voient le jour dans les États italiens. L’objectif étant de réguler et contrôler l’isolement des malades, l’établissement de quarantaines ainsi que les échanges commerciaux. Une organisation qui rappelle celle que nous vivons actuellement !
1. Il y a eu 643 morts dans un village de 1 500 personnes, du 1er août au 15 novembre 1348.
2. En particulier Sainte-Anne et Saint-Roch.
3. Établissements où s'effectuait le contrôle sanitaire.
Florian Mazel
florian.mazel@univ-rennes2.fr
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