Nanomonde, la chimie en bulles
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Trois scientifiques et une illustratrice se sont associés pour donner naissance à une bande dessinée éducative.
Prenez deux chercheuses, un chercheur et une illustratrice. Ajoutez des années de recherche en physico-chimie et un réacteur nucléaire. Laissez reposer durant le premier confinement et vous obtiendrez Voyage en canaux. Cette bande dessinée de douze pages, en accès libre sur internet, plonge les passionnés de science dans un voyage pour le moins particulier. « Je travaille depuis 2002 sur le monde de l’infiniment petit. C’est un sujet de recherche passionnant car quand la matière se trouve enfermée à l’échelle nanométrique, elle a des comportements très différents ! » raconte Denis Morineau, physico-chimiste CNRS à l'Institut de physique de Rennes et co-auteur de la bande dessinée. Par exemple, dans le nanomonde confiné, la glace ne fond pas à 0 °C mais à – 30 °C. « Les liquides aussi se comportent différemment quand on les enferme dans de tout petits canaux. De nombreuses questions se posent alors : comment ce liquide va-t-il
s’écouler ? Quelles sont ses interactions avec les parois ? Est-ce que deux liquides mélangés ensemble pourraient être séparés dans ces conditions
particulières ? » Des questions aux réponses complexes, que Voyage en canaux vulgarise avec finesse.
Plongée dans le nanomonde
Pour expliquer avec simplicité des concepts parfois abstraits, les auteurs ont fait appel à l’illustratrice Aurélie Bordenave. Covid oblige, c’est par sessions de visioconférences en avril 2020 qu’elle a découvert les recherches de Denis Morineau, Isabelle Mirebeau et Christiane Alba-Simionesco1. « C’est un sujet très pointu. On a pris notre temps pour trouver des métaphores pour que je comprenne les phénomènes physiques en jeu, et qu’ensuite le lecteur se les approprie à travers mes dessins. » Le coup de crayon d’Aurélie Bordenave a ainsi donné naissance à un chat appelé… Souris ! Cet être malicieux apporte humour et légèreté à la BD. Le félin, qui navigue aux côtés d’une chimiste et d’un physicien au fil des cases, est capable de plonger dans le nanomonde grâce à l’illustration. « Nous souhaitions pouvoir emmener le lecteur dans l’infiniment petit, en particulier pour expliquer des concepts comme la loi de Bragg2. » Ce travail de vulgarisation a été permis par le dialogue inédit entre deux expertises, scientifique et artistique.
Le côté humain de la recherche
Outre le partage de leurs travaux, Voyage en canaux a été l’occasion pour les chercheurs d’envoyer un signal fort : « Cette expérience permet surtout de montrer le déroulement de la démarche scientifique, en passant de l’hypothèse à l’observation, avant d’aboutir aux résultats. La rigueur y est essentielle », rappelle Denis Morineau. L’occasion aussi de représenter le côté humain de la recherche. « C’est un monde qui peut parfois sembler fermé, alors qu’il est rempli de profils très variés. Les femmes y ont toute leur place, et c’était important pour nous de le rappeler, même subtilement. » Le chercheur espère ainsi inspirer ses collègues à se lancer dans l’aventure de la vulgarisation et pourquoi pas éveiller des vocations.
SALOMÉ REMAUD
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