Des écosystèmes riches mais menacés
Une biodiversité à préserver
Entre les bruyères et les plantes carnivores, les landes et les tourbières bretonnes abritent une biodiversité unique. Formidable illustration de l’ingéniosité de la nature pour assurer la survie des espèces.
C'est l’histoire d’un papillon, d’une fleur et d’une fourmilière. Au milieu de l’été, l’azuré des mouillères pond ses oeufs sur la gentiane pneumonanthe. En Bretagne, on ne la trouve que dans les landes humides et les tourbières. Une fois écloses, les chenilles mangent la fleur puis tombent au sol, où elles sont adoptées par des fourmis qui les transportent dans leur fourmilière et les nourrissent comme leurs propres larves. Là, elles grandissent à l’abri des dangers de l’extérieur, se renferment dans leur chrysalide et renaissent papillon, pour un jour pondre à leur tour sur une gentiane.
Sélection des espèces
L’azuré des mouillères a aujourd’hui entièrement disparu dans deux départements de Bretagne, mais son cycle de vie illustre bien la complexité et la richesse des landes et des tourbières. Toutefois, les conditions de vie particulières dans ces écosystèmes ne conviennent pas à tous. « La tourbière est un milieu qui sélectionne ses espèces », résume l’écologue morlaisien Philippe Fouillet. Les plantes se sont ainsi adaptées au fil du temps à son sol pauvre en azote. Certaines ont un système racinaire spécial qui leur permet de capter ce nutriment essentiel à leur croissance quand d’autres se sont dotées de systèmes plus spectaculaires, comme les plantes carnivores. « Le rossolis par exemple, piège de petits insectes en les attirant sur ses feuilles avec un liquide qui les englue et les tue. Puis des poils se referment sur la proie, qui est dissoute et digérée », raconte José Durfort, botaniste indépendant à Huelgoat (Finistère). Ainsi, pour survivre, la flore évolue, s’adapte à son milieu et ses contraintes. Le paysage n’est donc jamais figé. « Certaines landes peuvent évoluer en fourrés arbustifs puis en bois en quelques dizaines d'années si elles ne sont pas entretenues », illustre le botaniste.
Milieu isolé, milieu en danger
Dans les landes et les tourbières, rien n’est laissé au hasard. Si le courlis cendré, un oiseau emblématique des monts d’Arrée, niche dans des landes dégagées, c’est pour mieux chasser les insectes. Si le busard préfère les landes plus hautes, c’est parce qu’il est plus gros et a besoin de plus de végétation pour camoufler son nid. Mais malgré des mécanismes de survie ingénieux et la protection de certaines zones par l’État et les associations, de nombreuses espèces sont aujourd’hui menacées. Leur déclin s’explique notamment par l’isolement des landes et des tourbières.
« Il faut imaginer qu’autrefois, ces paysages recouvraient une grande partie de la Bretagne. Puis, l’Homme a cultivé et construit. Cela a morcelé le paysage en cassant des ensembles de landes et tourbières. Des insectes, incapables de parcourir de grandes distances, se sont retrouvés bloqués sur des parcelles », explique Philippe Fouillet. Comme une communauté qui vivrait en autarcie, les espèces continuent donc de se développer, mais le moindre aléa peut être catastrophique. « Un incendie ou un fauchage précoce qui détruit une colonie de chenilles met ainsi en péril la survie de l’espèce l’année suivante. » Et c’est peut-être ce qui est arrivé à l’azuré des mouillères.
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du magazine Sciences Ouest