On n’apporte qu’une modeste pierre à un édifice. Mais c’est déjà enivrant.

Portrait

N° 327 - Publié le 6 janvier 2015
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L'épreuve par 7
Pierre Jannin

Chercheur en informatique à Rennes(1)

Magazine

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Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été chercheur ?

Artiste ! Musicien, par exemple. J’adore la créativité. Mais je préfère mon métier car il m’offre aussi une grande liberté dans la recherche d’innovation et, en plus, la reconnaissance professionnelle est proportionnelle à la qualité du travail et au degré d’investissement. Elle est moins aléatoire que pour le musicien. Par contre, niveau reconnaissance sociale, le musicien nous bat largement !

Aujourd’hui, qu’avez-vous trouvé ?

Que l’important n’est pas d’être celui qui trouve mais de contribuer à l’évolution des connaissances et des techniques, étape par étape. Dès que l’on comprend cette idée, la démarche de recherche gagne en honnêteté et en rigueur. On n’apporte qu’une modeste pierre à un édifice. Mais c’est déjà enivrant.

Le hasard vous a-t-il déjà aidé ?

Oui et non. Oui car l’innovation se nourrit de croisements de disciplines et de rencontres humaines que l’on fait souvent par hasard. Mais d’un autre côté, les rencontres n’ont lieu que si l’on est disponible et ouvert d’esprit. Et après, il faut savoir saisir les opportunités quand elles arrivent. Là non plus, ce n’est pas du hasard, ce sont des choix réels.

Qu’avez-vous perdu ?

Rien. C’est vrai, je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu une illusion, une énergie, ou même d’être passé à côté de quelque chose. Je contrôle ce que je fais et je choisis les contraintes que je m’impose. J’ai plutôt l’impression d’avancer et d’y gagner énormément !

Que faudrait-il mieux ne pas trouver ?

Démontrer par erreur qu’une hypothèse est vraie et créer un bouleversement sociétal basé sur cette fausse vérité. On irait alors vers l’obscurantisme.

Quelle est la découverte qui changerait votre vie ?

La compréhension complète du cerveau et de ses fonctions cognitives. On pourrait alors imaginer assister par ordinateur toutes les activités humaines et de suppléer à nos faiblesses. Je ne parle pas de remplacer le cerveau par une machine, mais de donner accès à plus de connaissances.

Qu’est-ce qui vous ferait douter de la rationalité ?

Il faut douter de tout. On n’est pas un vrai chercheur si on considère les choses comme acquises et non réfutables. La logique n’est qu’un cadre formel parmi d’autres. On a parfois besoin de faire des hypothèses simplificatrices, réductrices ou non vérifiées pour avancer. Mais il faut en rester conscient. L’obscurantisme vient du fait qu’on ne doute pas de la rationalité.

Interviewé par téléphone par Klervi L’Hostis, suite à sa nomination à la tête de la Société internationale de chirurgie assistée par ordinateur.

(1) Au Laboratoire traitement du signal et de l’image (LTSI) de l’Université de Rennes 1.

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