La ville branchée se dessine

N° 335 - Publié le 12 novembre 2015
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Villes et bâtiments s’interconnectent pour faciliter la vie urbaine et répondre à des enjeux de développement durable.

On ne dit plus connecté, on dit intelligent. Et par les temps qui courent, tous les objets qui nous entourent semblent être devenus intelligents, même les villes et les bâtiments ! Comment une ville peut-elle se retrouver dotée d’intelligence ? En utilisant les technologies de l’information et de la communication (Tic) pour devenir durable aux niveaux environnemental, économique et social. L’IHS Technology (Colorado) ajoute même que ce déploiement doit se retrouver dans au moins trois domaines fonctionnels de la ville, comme les transports, l’énergie et la sécurité.

Voici pour les objectifs, voyons maintenant comment y parvenir. Utiliser les Tic signifie avoir recours à des capteurs (un capteur de présence, un thermomètre) qui vont relever des données brutes (absence ou présence, température) qui seront ensuite transmises via un réseau (sans fil, câblé, petite ou longue distances...) pour être utilisées directement par un habitant, une collectivité ou bien traitées par un logiciel pour produire une réaction automatique (réduire le chauffage, couper l’éclairage). Ce schéma très simple décrit le principe de base de la domotique utilisé à l’échelle du bâtiment, maillon essentiel de la ville intelligente. Mais aujourd’hui les objectifs se complexifient. « On ne se cantonne plus à un relevé de température pour régler le chauffage à l’intérieur d’une pièce. On souhaite comprendre plus finement ce qui s’y déroule pour développer de nouveaux services de régulation. On est en train de passer de l’ère de la domotique à celle des services contextuels », explique Frédéric Weis, enseignant-chercheur à l’Irisa(1) et spécialiste des objets connectés. Un des enjeux consiste à croiser les données issues de capteurs de plus en plus nombreux. Et à leur donner du sens, ce qui n’est pas toujours évident : un détecteur de présence basé sur l’analyse de mouvements peut, par exemple, être trompé par une personne qui reste immobile dans la pièce. « Nous appelons cela la capture d’un contexte, poursuit Frédéric Weis. Dans l’équipe(2), nous créons des logiciels capables d’agréger, de fusionner les données brutes pour comprendre une situation de manière fiable. Si l’on garde l’idée d’une analyse de la présence, on va chercher à travailler sur un niveau plus fin pour mesurer le niveau d’activité dans la pièce en exploitant d’autres capteurs mesurant le niveau sonore, le taux de CO2... »

Créer de nouveaux services

La maîtrise de la consommation d’énergie, grâce à des compteurs intelligents (qui permettent, entre autres, un suivi et une adaptation de la consommation(3)), est bien sûr au cœur des réflexions, mais il existe beaucoup d’autres secteurs où les capteurs peuvent se rendre utiles : aide à la personne, gestion des déchets... Coupler des données a aussi pour but de créer de nouveaux usages et services : dans un ensemble tertiaire, les indicateurs de présence à l’intérieur du bâtiment pourraient être liés à l’information sur la disponibilité de places de parking attenantes. « Un bâtiment intelligent n’a de sens que s’il est tourné vers l’extérieur, ouvert sur la ville dans laquelle il se trouve », ajoute Frédéric Weis. Depuis quatre ans qu’ils travaillent sur ce thème, le chercheur et ses collègues ont développé un catalogue de logiciels prêts à utiliser qu’ils continuent à tester et à enrichir.

Convergence vers Internet

Pour que ces scénarios soient réalisables, les réseaux - celui du bâtiment et celui dédié au parking - doivent être ouverts pour pouvoir communiquer entre eux. Ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. Pour Laurent Toutain, professeur à Télécom Bretagne (Rennes), on en est même loin : « On est revenu trente ans en arrière, avant l’arrivée d’Internet ! Les premiers réseaux étaient fermés, c’est-à-dire dédiés à un usage précis : réseaux bureautique, téléphonique... Avec Internet, on est passé à l’interconnexion et à une nouvelle philosophie selon laquelle plus il y a de personnes connectées, plus le réseau a de la valeur. » Mais aujourd’hui, les ordinateurs ne sont plus les seuls à être connectés. Smartphones, télévisions, casques, montres... La liste des objets connectés, interconnectables, et sans fil, ne cesse de s’allonger. Or, pour s’affranchir des fils, de nouveaux réseaux sont créés : Wi-Fi, Bluetooth, ZigBee... Dans la ville intelligente, de nouvelles technologies permettent de connecter des objets sur des distances de plusieurs kilomètres. « Mais ceux-ci ne sont pas encore vraiment intégrés dans l’Internet. L’avenir, c’est le report de la philosophie d’Internet sur les objets connectés. Il faut faire converger tous les réseaux vers Internet. C’est ce que nous faisons au sein de l’équipe Ocif. Aujourd’hui, il ne faut plus construire un réseau pour un usage, mais des réseaux souples qui peuvent servir à tout. »

La sécurité et les utilisateurs

Avec tout ce que cela comporte en complexité au niveau de la sécurité (les données sont-elles envoyées dans le cloud ou traitées localement) et aussi du contrôle par l’utilisateur. « Les débuts de la domotique ont parfois été difficiles car les usagers avaient peur de perdre le contrôle », rappelle Frédéric Weis. Aujourd’hui, les informaticiens montrent qu’ils ne sont pas déconnectés de la réalité. Ils sollicitent les entreprises qui assurent les services : Veolia pour la gestion des déchets, Kerlink (Rennes) pour les transports, Neotoa, professionnel de l’habitat social à Rennes pour le projet d’habitat métamorphique. De leur côté, les urbanistes et les collectivités observent ce qui se passe dans les laboratoires. C’est le cas de Rennes Métropole et de bien d’autres villes comme Lyon, Milan, Helsinki, Montréal, Rio de Janeiro, Barcelone... Pour terminer, ces mots de Manel Sanromà, responsable de la technologie à Barcelone entre juillet 2011 et juin 2015 : « Il n’y a pas de ville intelligente. Les personnes et les communautés le sont. Barcelone a construit une ville à la mesure de l’homme et a utilisé la technologie pour donner de la puissance à cette intelligence humaine. » Habitants, citoyens, consommateurs, innovateurs... sont bien au cœur du projet !

Octobre, un mois très smart !

Le scientifique franco-colombien Carlos Moreno vient parler des smart cities à Rennes(4), dans le cadre des Opportunités Digitales. Cet événement organisé par Rennes Métropole du 9 au 20 octobre invite à découvrir les innovations autour du numérique. Issu du domaine de la robotique et de l’intelligence artificielle, Carlos Moreno s’est ensuite tourné vers les technologies de la ville intelligente. Passionné d’innovations, auteur d’un blog, il partage souvent ses réflexions et ses idées sur ce thème dans les médias. Une trentaine d’autres rendez-vous professionnels ou grand public sont programmés pendant ces dix jours, sur des sujets connexes à la ville intelligente, comme l’ouverture des données (open data) ou les objets connectés. Enfin, certains interlocuteurs de ce dossier seront présents sur le plateau TV du Studio Mobile de l’Espace des sciences qui se tiendra au Village des sciences les 9, 10 et 11 octobre de 15 h à 17 h au Diapason, sur le campus de Beaulieu et qui sera diffusé en direct sur l’application mobile Sciences Ouest(5).

www.opportunites-digitales. com, le blog de Carlos Moreno : www.moreno-web.net, le programme du Festival et de la Fête de la science : www.espace-sciences.org/festival-des-sciences-2015
Nathalie Blanc

(1) Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (Université de Rennes 1, Insa Rennes, Inria, ENS Rennes, Télécom Bretagne, UBS, CNRS).

(2) Équipe Tacoma.

(3) Lire Ils font baisser les watts dans Sciences Ouest n° 330 - avril 2015.

(4) Le 16 octobre à 17 h à l’Hôtel de Rennes Métropole.

(5) Téléchargez l’application sur espace-sciences.org/appliSO/Android ou sur espace-sciences.org/appliSO/iOS

Frédéric Weis
tél. 02 99 84 75 42
frederic.weis@irisa.fr

Laurent Toutain
tél. 02 99 12 70 26
laurent.toutain@telecom-bretagne.eu

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