Quand Rennes devient smart

N° 335 - Publié le 12 novembre 2015
© D. Gouray / Ville de Rennes / Rennes Métropole
En 2014, l'expérimentation Ma TV Star permettait aux Rennais de profiter de la télévision sur les lignes 4 et 5 du réseau Star.

Magazine

4236 résultat(s) trouvé(s)

L’appropriation collective des techniques et les interactions via le numérique sont au cœur du projet de la ville.

Start-up, gros groupes industriels, laboratoires de recherche... Dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, le territoire rennais attire, depuis plusieurs années déjà, un vivier d’acteurs de l’innovation numérique. De quoi imaginer une belle smart city à la rennaise. « De Rio de Janeiro à Barcelone, chaque ville a sa propre définition et développe son propre modèle. À Rennes, on essaie aussi de créer les nôtres », dit Norbert Friant, responsable du service Aménagement et usages du numérique à Rennes Métropole. La stratégie territoriale est basée sur l’appropriation collective des techniques et des données.

Minimiser la fracture numérique

Dans cette optique, le LabFab(1) s’est étendu sur toute la ville. Quatorze lieux (maisons de quartiers, maison des associations, écoles) mettent à disposition du public des machines pilotées par ordinateur pour concevoir et réaliser des objets (connectés ou non). Ces nouvelles activités attirent aussi bien des retraités que des industriels, des étudiants, des chercheurs et des jeunes de tous horizons.

« On assiste à un bouleversement intéressant des hiérarchies, commente Norbert Friant. Les enfants turbulents à l’école sont souvent les plus motivés. » Par le biais du LabFab, Rennes Métropole souhaite minimiser la nouvelle fracture numérique : « Pour éviter que les citoyens se sentent dépossédés de leur environnement, nous devons les aider à s’impliquer dans la transformation de la ville vers sa version smart. » Qu’ils acquièrent des notions sur les données, les algorithmes et la propriété intellectuelle devient alors indispensable.

Le rôle de l’open data

Le fonctionnement des fablabs implique que toutes les informations nécessaires à la conception d’un objet (croquis, modélisation 3D, algorithmes...) soient reversées à la communauté sous la forme de logiciels libres. Cette ouverture des données permet un apprentissage collectif à l’échelle de la ville. « C’est bien de multiplier les capteurs et les réseaux, mais si les données ne sont pas ouvertes, ça ne facilite pas les interactions. L’open data est un ingrédient primordial pour co-construire une ville intelligente. » La collectivité de Rennes est d’ailleurs pionnière dans ce domaine. En 2010, elle est la première institution française à ouvrir ses données(2) géographiques. Les entreprises Siradel (lire p. 17) et Archividéo(3) ont d’ailleurs réalisé une modélisation 3D de la ville. « Keolis a également joué le jeu en libérant les données du réseau de transport. Depuis, les citoyens peuvent s’en emparer pour imaginer de nouveaux services. Une application proposant des itinéraires pour personnes à mobilité réduite, par exemple. » Il s’agit là de données appartenant aux infrastructures, mais celles produites par les usagers peuvent être tout aussi utiles : en septembre 2013, quarante habitants du Blosne ont accepté de se faire géolocaliser en permanence pendant deux à trois mois, dans le cadre du projet urbain du quartier(4) piloté par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de Rennes. Un capteur inséré dans leur smartphone récoltait les données de mouvements (lieux fréquentés, temps passé à un endroit, moyens de transport utilisés...). Via une application conçue par Orange, la compilation des informations enregistrées était visualisable en 3D sous forme d’empreintes individuelle ou collective. Cette représentation des flux permettra d’adapter l’offre de transport ou de modéliser des espaces publics qui conviennent mieux aux usages. « La difficulté de ce projet était principalement éthique. Les gens sont frileux dès qu’il s’agit de fournir des données personnelles, et ils ont raison de se poser des questions », souligne Norbert Friant. Rennes Métropole a donc joué un rôle de garant : un contrat conclu avec les volontaires assurait l’anonymat des données pour préserver l’identité numérique de chacun.

« Le développement d’une ville intelligente est aussi une histoire de confiance dans une logique de coopérative. Chaque partie accepte de donner un peu d’elle-même pour contribuer à une amélioration collective. »

Depuis avril dernier, un comité de pilotage réunissant des élus de la Ville de Rennes et de Rennes Métropole encadre les réflexions sur la smart city rennaise. Une fois le projet de la ville clarifié, il aura pour mission de mettre en œuvre, avec les chercheurs et les entreprises acteurs de l’innovation, les programmes de gestion intelligente de l’eau, de l’air, des déchets et des consommations énergétiques actuellement à l’étude (lire encadré ci-contre). Rennes présentera les savoir-faire locaux à l’occasion d’un forum réunissant les cent trente métropoles du réseau Eurocities en juin 2016.

L’exemple de la consommation d’énergie

Depuis 2014, Rennes Métropole étudie des solutions pour mieux comprendre et optimiser la consommation d’électricité d’un quartier. « Ces données existent, mais elles sont gérées par le réseau de distribution et les collectivités n’y ont pas accès en temps réel », explique Brendan Catherine, chargé de mission énergie-climat à Rennes Métropole.Pour les récupérer, la ville s’est rapprochée d’une équipe de Télécom Bretagne. Les chercheurs viennent de développer une technologie qui rend facile l’accès à un nouveau réseau sans fil longue portée (trois kilomètres) bien adapté à l’échelle de la ville : le réseau Lora(1). « En facilitant l’accès à ce réseau, nous permettons surtout de l’ouvrir à une multitude d’usages, qui sont à inventer par les collectivités, mais aussi par les citoyens au sein des fablabs(2) », explique Laurent Toutain.Le projet Open Energy Data(3) s’est donc concrétisé avec l’implication d’autres entreprises de la région. L’entreprise Kerlink (Thorigné-Fouillard) a produit une antenne Lora, tandis que Wi6Labs (Rennes) a conçu le capteur facile à intégrer au circuit d’électricité d’un logement. Cityzen Data (Guipavas) s’est chargée de fournir une solution de stockage et d’analyse de données. Fonctionnel, le système reste cependant trop coûteux pour être déployé à grande échelle. Mais Rennes Métropole étudie d’autres possibilités de mise en œuvre comme le suivi et le pilotage à distance de la consommation d’électricité des établissements et équipements publics moins nombreux.

KLH/NB
Brendan Catherine
tél. 02 23 62 24 44
b.catherine@rennesmetropole.fr

Laurent Toutain
tél. 02 99 12 70 26
laurent.toutain@telecom-bretagne.eu
Klervi L'Hostis

(1) Laboratoire de fabrication numérique de Rennes.

(2) www.data.rennes-metropole.fr. Lire Les données sont libérées ! dans Sciences Ouest n° 282 - décembre 2010.

(3) Archividéo a été rachetée par Dassault Systèmes en 2013.

(4) Lire À chacun son empreinte de mouvement dans Science Ouest n° 319. En décembre 2014 à Lyon, le Réseau des territoires innovants, “les Interconnectés”, a récompensé la démarche par le label “Territoire innovant” d’or dans la catégorie “Vivre la ville”.

(5) Long Range pour longue portée. Économe en énergie, Lora peut transmettre les informations d’objets ou de capteurs qui ont besoin d’échanger un petit nombre de données en continu, sans beaucoup de débit.

(6) Projet Lora Fabian mené avec le LabFab de Rennes. Lire Rennes ouvre la voie aux objets communicants dans Sciences Ouest n° 323 - septembre 2014.

(7) Projet soutenu par la Région Bretagne dans le cadre de l’appel à projets Boucle énergétique locale.

Norbert Friant
tél. 02 99 86 63 74
n.friant@rennesmetropole.fr

Marion Glatron
tél. 02 99 86 64 37
m.glatron@rennesmetropole.fr

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest