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Sébastien Boyer / Université Rennes 2

Le sport passe au labo

N° 343 - Publié le 23 juin 2016

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Dans ce gymnase, les gestes sportifs sont saisis au vol, enregistrés et modélisés. Puis revivent sur un écran virtuel.

C’est un gymnase d’apparence normale, excepté qu’il n’a pas de fenêtres. Les sportifs sont éclairés par seize projecteurs infrarouges, associés à leurs caméras sur des trépieds. Ils ont jusqu’à 43 capteurs scotchés sur les mains, les avant-bras, les jambes, les articulations, le tronc ou la tête. Ils sont en mouvement seuls ou en interaction avec d’autres, adversaires ou partenaires. Cette salle, appelée Immermove, permet de reconstituer leurs gestes avec une précision inférieure au millimètre. Sur la touche, l’arbitre est remplacé par un ordinateur qui centralise les données en temps réel. Sur l’écran, des points qui correspondent aux capteurs se déplacent.

« Grâce aux mesures des marqueurs 3D, nous évaluons la posture des sujets pour savoir si leur geste est optimal », explique Benoît Bideau, le directeur du laboratoire Mouvement, sport, santé (M2S), à l’Université Rennes 2. Situé sur le campus de Kerlann à Bruz, au sud de Rennes, cet équipement high-tech dépend de l’université et de l’École normale supérieure. « L’objectif est de prévenir l’intégrité de l’athlète. Par une meilleure connaissance de son mouvement, il identifie les gestes qui présentent des risques de blessures. » Les chercheurs en biomécanique analysent la vitesse et l’accélération des segments corporels et leurs coordinations.

Cyclistes et coureurs

Parmi les joueurs, il y a des footballeurs, des rugbymen (voir photos p. 12-13) de haut niveau, des cyclistes ou des coureurs. Ces derniers n’avancent pas sur un tapis roulant, mais sur une plate-forme fixe, dans laquelle des capteurs mesurent la force exercée par le pied. Un projet vient d’être lancé avec la Direction technique nationale du tennis et le Centre national d’entraînement de Roland-Garros : l’objectif est d’améliorer la technique du service chez les meilleurs jeunes joueurs de France(1).

À côté du gymnase se trouve la salle d’exploration fonctionnelle. Les sportifs y font des tests physiologiques, cardio-respiratoires ou neuromusculaires, pour évaluer leurs capacités. Ils courent équipés d’un électrocardiogramme ou pédalent en portant un masque, qui mesure l’oxygène absorbé et le CO2 rejeté. « Nous évaluons la capacité d’oxygène que le sujet peut prélever. C’est un paramètre fondamental de la performance sportive, poursuit Benoît Bideau. De l’analyse du mouvement à la physiologie, nous avons une vision complète de l’athlète en mouvement. C’est notre originalité. »

La salle de réalité virtuelle est de l’autre côté du gymnase. Capture du mouvement, salle de physiologie, espace de réalité virtuelle : cette triple association fait du laboratoire M2S l’un des plus grands au monde pour l’analyse de la performance sportive. Ce savoir-faire remonte aux années 2000, quand le laboratoire était l’un des premiers à utiliser les nouvelles technologies, comme la réalité virtuelle. Il compte aujourd’hui vingt-cinq enseignants-chercheurs, quatre ingénieurs et dix doctorants. Les scientifiques convergent ici d’horizons multiples : chercheurs en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), biologistes, informaticiens, roboticiens, médecins ou mécaniciens.

Les paramètres de la performance

En cinq ans, les chercheurs de M2S ont publié plus d’une centaine d’articles dans des revues scientifiques internationales(2). Ces recherches n’apportent pas seulement des applications concrètes pour les sportifs et les clubs. En comprenant pourquoi le geste d’un athlète est plus efficace que celui d’un autre, les chercheurs établissent quels sont les paramètres du mouvement liés à la performance. Leurs modélisations, basées sur les analyses biomécaniques, permettent de définir de nouvelles méthodologies d’étude des performances.

La Bretagne du mouvement

Le sport en Bretagne, c’est aussi de la recherche scientifique. C’est l’une des missions du Campus d’excellence sportive de Bretagne(3) à Dinard. Le laboratoire Mouvement, sport, santé (Université Rennes 2, ENS(4)), qui étudie les gestes sportifs dans le gymnase Immermove (lire ci-contre), est l’un des partenaires. À Brest, le laboratoire Optimisation des régulations physiologiques (Orphy) de l’Université de Bretagne Occidentale est aussi de la partie avec un autre laboratoire de l’UBO, le MuST (Adaptations en conditions physiologiques et pathologiques). Les médecins des CHU, de Brest à Rennes, sont au cœur du match. Et pas seulement en médecine du sport. Le service de rééducation fonctionnelle du CHU rennais s’est notamment associé à Immermove pour mesurer le risque de chute de la personne âgée. En étudiant les sportifs, ces humains qui repoussent leurs limites, nous comprenons mieux notre fonctionnement. C’est encore plus vrai en associant les sociologues et les psychologues du laboratoire Violences, identités, politiques et sports (Vips) de l’Université Rennes 2.

Nicolas Guillas

(1) Lire Caroline Martin, chercheuse en biomécanique dans Sciences Ouest n° 340-mars 2016.

(2) Dont Plos One, Human movement et Journal of biomechanics.

(3) www.campus-sport-bretagne.fr/la-recherche.

(4) École normale supérieure

Benoît Bideau
tél. 02 99 14 17 33
benoit.bideau@univ-rennes2.fr

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