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B.Stichelbaut

Une transition à réussir

N° 337 - Publié le 21 mars 2017

Magazine

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Une grande enquête régionale imagine l’avenir climatique et sociétal de la Bretagne. Elle démontre l’urgence d’agir.

Comment va évoluer la Bretagne avec le changement climatique ? La réponse tient dans l’étude prospective “Climat, énergie et société à l’horizon 2050 : une Bretagne en transition”, réalisée par le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser). Les vingt membres de la section Prospective de cette assemblée, qui représente la société civile (associations, universités, syndicats, entreprises), ont enquêté pendant 14 mois et auditionné 46 experts régionaux et nationaux (climatologues, biologistes, statisticiens, énergéticiens, juristes, sociologues, aménageurs, acteurs associatifs), pour anticiper les changements.

« La transition énergétique, nous la vivrons tous, qu’on le veuille ou non, résume Alain Charraud, président de la section Prospective du Ceser. C’est un enjeu planétaire. À partir de données internationales, nationales et locales sur le climat, et sur la production de gaz à effet de serre, nous avons projeté cet enjeu au niveau de la Bretagne. » Signée par les rapporteuses Valérie Fribolle et Viviane Serrano, l’étude a été présentée et publiée le 5 octobre dernier.

 

Entrer en transition

Cette synthèse est accessible au grand public sur Internet. Chiffres, cadres législatifs, programmes nationaux et régionaux, exemples à suivre, initiatives pionnières portées par des citoyens ou des collectivités : cette approche est globale et met en évidence les problèmes particuliers et la complexité pour les résoudre. Malgré des redites au fil des chapitres, c’est un document pédagogique clair, qui démontre l’urgence de réduire l’émission de gaz à effet de serre et “d’entrer en transition”.

L’objectif national est de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en 2050, par rapport à 1990. L’étude rappelle les données scientifiques : en Bretagne, les températures ont gagné 1 °C depuis les années 50, le marégraphe de Brest a enregistré une hausse du niveau de la mer de 1,2 mm par an au siècle dernier. C’est l’amorce du bouleversement. La Bretagne connaîtra une accentuation du réchauffement en toutes saisons (1). D’ici à 2100, l’océan montera de 40 à 98 cm : des territoires seront menacés par les inondations. Les experts prédisent davantage d’événements extrêmes, l’assèchement des sols en été, des conséquences sur les écosystèmes, la santé et les activités humaines.

Côté données, les spécificités bretonnes sont détaillées : notre consommation d’énergie (due pour 47 % aux bâtiments résidentiels et tertiaires et pour 31 % à tous les transports) s’est stabilisée depuis 2010. L’objectif régional est de la réduire de 60 % d’ici à 2050. Cette consommation est aujourd’hui de 6961 “kilotonnes équivalent pétrole” (2) par an, soit 2,11 tonnes par habitant (3). Les produits pétroliers constituent la première énergie consommée en Bretagne (49 % contre 30 % pour la moyenne nationale). Cela s’explique par l’habitat dispersé (utilisation de la voiture et moindre accès aux réseaux de gaz). Mais le potentiel de production d’énergies renouvelables (notamment l’éolien terrestre et marin, le solaire photovoltaïque et les chaufferies au bois) est très fort : ces dernières pourraient représenter plus de 70 % de notre énergie consommée en 2050, contre 11 % aujourd’hui.

 

24,5 mégatonnes de CO2

Autre originalité bretonne, le profil d’émission de gaz à effet de serre : l’agriculture est responsable de 45 % des émissions de gaz à effet de serre, suivie par le transport des voyageurs et l’habitat résidentiel (4). Au total, la Bretagne émet chaque année 24,5 Mt équivalent CO2, soit 5 % des gaz à effet de serre de la France. La capacité de stockage de la région est estimée à 3,8 Mt équivalent CO2, grâce aux forêts et aux sols des prairies permanentes.

Pour comprendre ce qui se joue, le rapport vulgarise différents concepts, comme l’“effet rebond” : il y a toujours un effacement d’une partie des gains d’efficacité énergétique, obtenus grâce à l’amélioration technique, par une hausse de la consommation. Il faut par ailleurs distinguer l’énergie directe de l’“énergie grise” : celle qui est nécessaire en amont (extraction, transport, fabrication d’une centrale, serveurs informatiques, tests de production de biens ou de services). « Le poids de l’énergie grise dans notre consommation est considérable, insiste Viviane Serrano. Nous déplaçons notre pollution vers d’autres pays, où nous extrayons ce dont nous avons besoin ! Il y a urgence à agir pour le climat. J’en étais convaincue, je le suis encore plus après notre étude. »

Quatre scénarios se dessinent pour la Bretagne : la transition (plus ou moins réussie) sera technologique, négociée, citoyenne ou dirigée. Les moteurs de cette mobilisation peuvent être les entreprises innovantes, les villes et les autres collectivités, les citoyens ou l’État. Ces scénarios conduiront à une réduction, lente ou rapide, de l’émission des gaz. Pour réussir cette transition, plusieurs défis doivent être relevés, notamment : mobiliser la société, avoir une action coordonnée des acteurs publics, développer la solidarité et réunir des financements. La lecture de cette étude, qui a donné lieu à un forum labellisé COP21, devrait être reconnue d’intérêt public. Car même si des initiatives montrent qu’une dynamique est lancée, les auteurs soulignent que « l’ampleur du défi est considérable. »

Nicolas Guillas

(1) L’élévation de la température à la surface du globe sera comprise entre 0,4 et 2,6 °C en 2050.

(2) Une tonne équivalent pétrole correspond à 11600 kWh.

(3) Soit 24,5 MWh par habitant.

(4) Voir article du même dossier "D'où s'échappent tous ces gaz ?"

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