Fromveur, l’énergie du courant

N° 353 - Publié le 23 juin 2017
Sabella
Immergée près de l'île d'Ouessant (à l'arrière plan), la turbine de Sabella a été sortie de l'eau le 14 juillet 2016. La campagne d'essais, qui a duré un an, a confirmé le bon fonctionnement de l'hydrolienne.

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Que devient l’hydrolienne de Sabella ? Elle replongera cette année dans le courant du Fromveur près d’Ouessant.

L’hélice bleue est sortie des flots l’an dernier. Entre septembre 2015 et juillet 2016, la société quimpéroise Sabella a immergé l’hydrolienne D10 à 55 m de profondeur dans le courant du Fromveur, près d’Ouessant. Elle a produit au total 70 MWh(1) pour l’île. « Nous sommes les seuls en France à avoir injecté de l’électricité hydraulique marine sur le réseau français », se félicite Diane Dhomé, chef de projet à Sabella. La turbine est aujourd’hui posée sur le quai à Brest, pour une expertise complète.

Entre petites mésaventures et découvertes, cette campagne d’essais a été riche en enseignements. Lors de la mise à l’eau, une pièce en acier(2) reliant l’hydrolienne au câble de la grue ne s’est pas ouverte. Un robot sous-marin a dû intervenir pour libérer la machine. Un câble électrique est ensuite tombé dans l’eau depuis le pont du navire où il devait être connecté au câble principal desservant Ouessant. En tombant au mauvais endroit, il a déconnecté les petits câbles reliant des capteurs environnementaux, fixés sur l’embase, à la turbine. Ceux-ci n’ont pas fonctionné ! Les prochains capteurs seront donc posés directement sur la turbine. Sabella a ensuite été victime d’un piratage informatique, à l’automne 2015, via la connexion satellitaire. La sécurité est désormais renforcée. Enfin, petite surprise à sa sortie, l’hélice a été colonisée par de nombreux organismes marins. Les revêtements anti-fouling innovants seront adaptés à une abrasion, due au sable, moins forte que prévue.

Diane Dhomé présente le câble sous-marin (68 mm de diamètre, 12 kg le mètre) reliant l’hydrolienne à Ouessant. Protégé par une double armure qui l’alourdit, il contient trois câbles centraux (pour exporter l’électricité), deux câbles auxiliaires (pour alimenter les instruments de la machine) et trois gaines de six fibres optiques (pour contrôler l’hydrolienne et récupérer les informations).
Nicolas Guillas

 

L’impact de la houle

Les ingénieurs ont appris à piloter la machine et à réguler la production électrique. Quand le courant(3) file à trois mètres/seconde, l’hélice peut tourner à quinze tours/minute. Mais l’objectif est de lui imposer une vitesse de rotation précise, par exemple onze tours/minute, pour atteindre l’optimum de la production électrique. Celui-ci a été calculé par des algorithmes. La production dépend aussi de la houle (de sud-ouest) : c’est l’une des découvertes de la première immersion. « Nous nous attendions à un effet de la houle, mais personne ne l’avait mesuré, explique Diane Dhomé. Quand il y a de grosses tempêtes, avec plus de cinq mètres de houle, la vitesse du courant oscille dans toute la colonne d’eau. Cela entraîne une fatigue des pales. Et l’hydrolienne produit plus ou moins du courant. » Un capteur de houle équipera l’hydrolienne. À terre, au bout du câble à Ouessant, une batterie lissera ces fluctuations.

Trois caméras seront fixées sur l’hydrolienne, ainsi qu’un hydrophone pour écouter la machine, le Fromveur et les mammifères marins. Deux capteurs(4) mesureront la vitesse du courant, pour connaître le rendement hydrodynamique de ce moulin à eau. À sa première plongée, D10 n’a pas produit au maximum, ce n’était pas l’objectif. Et il n’y avait pas encore de gros câble électrique entre le container de Sabella à Porz Arlan, où arrive le câble sous-marin, et la centrale électrique de l’île. Le courant était volontairement dissipé grâce à une résistance dans le container. À pleine puissance, l’hydrolienne fournira beaucoup plus d’énergie électrique, parfois jusqu’à 1MW(5).

« Nous venons d’obtenir les autorisations de la préfecture et nous espérons immerger l’hydrolienne avant l’hiver », poursuit Diane Dhomé. D’ici à trois ans, deux hydroliennes D12(6) seront installées à la place de D10 pour créer une ferme pilote. Sabella vendra ces machines au producteur d’électricité Akuo Energy dans le cadre du projet Phares, qui intègre plusieurs sources d’énergies renouvelables pour l’île.

NICOLAS GUILLAS

(1) L’électricité produite durant quatre mois n’a pas été vendue mais donnée, car D10 est un démonstrateur.
(2) L’une des trois manilles.
(3) La vitesse maximum du courant dans le passage du Fromveur est de 4,2 m/s.
(4) ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler).
(5) 250kW en injection maximum dans la configuration actuelle. (6)Les rotors des D12 ont 12 m de diamètre, contre 10 pour la première.

Diane Dhomé
d.dhome@sabella.fr

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