Iroise : le champ d’algues s’épanouit

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N° 354 - Publié le 5 septembre 2017
Yanis Turpin / Agence des aires marines protégées

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Les grandes algues de la mer d’Iroise sont précieuses pour l’océan. Le parc marin, qui fête ses dix ans, a réussi leur gestion durable.

Créé en septembre 2007, le Parc naturel marin d’Iroise fête aujourd’hui son anniversaire(1). En dix ans, la gestion du champ d’algues de l’archipel de Molène, le plus diversifié d’Europe, est l’une de ses belles réussites. « L’exploitation durable du champ d’algues faisait partie des objectifs dès notre création, explique Philippe Le Niliot, directeur adjoint du parc. C’est un écosystème exceptionnel, indispensable à conserver, comme les mangroves ou les coraux. Et il est le support d’une activité économique, structurante dans le Finistère, avec vingt-cinq pêcheurs et deux usines qui extraient des algues des molécules importantes, pour la pharmacopée notamment. »

L’originalité de ce champ de 200 km2 s’explique par ses eaux et ses roches. Deux fois par jour, les courants de la Manche brassent les eaux : elles restent froides, de la surface jusqu’au fond. Cela empêche les blooms phytoplanctoniques. Conséquence : l’eau reste très claire. Cette clarté et cette fraîcheur sont propices aux macroalgues.

470000 t de biomasse

Autre atout du plateau molénais : le fond est rocheux. Une rareté dans l’océan, surtout à moins de 20 m. Cette configuration est idéale pour trois espèces de végétaux : Laminaria digitata (de la surface à 5 m de profondeur), Saccorhiza polyschides (de 5 à 14 m) et Laminaria hyperborea, l’espèce la plus profonde (photo de droite). La biodiversité associée à cette dernière est très riche : plus de quarante espèces d’invertébrés peuvent vivre sur l’un de ses pieds ! Ces algues sont des espèces “architectes”, qui construisent un habitat foisonnant de vie.

Pour la gestion de ces algues, le parc marin a d’abord collaboré avec le Shom(2) : la topographie des fonds a été établie. En 2010, l’objectif était de connaître la répartition des algues. Leurs peuplements ont ensuite été modélisés par des équipes de l’Ifremer, puis cartographiés. La biomasse associée a été calculée en 2014. Elle s’élève globalement à 470000 tonnes. Les pêcheurs récoltent chaque année 40000 tonnes de Laminaria digitata et 20000 tonnes de Laminaria hyperborea, d’où les alginates sont extraits.

Un système de jachère

En 2015, un article dans la revue scientifique Journal of Sea Research(3), signé par des chercheurs de l’Ifremer, décrit le nouveau système de gestion, mis en place grâce aux connaissances nouvelles. Évalué par les scientifiques, il intègre aussi le suivi légal des débarquements d’algues. L’effort de pêche est connu et spatialisé. Et aujourd’hui, la récolte d’algues ne se fait pas toujours au même endroit, chaque année : « Un système de jachère, inspiré des Norvégiens, a été proposé par l’Ifremer et accepté par les professionnels, poursuit Philippe Le Niliot. Certaines zones ont aussi été fermées, pour des raisons environnementales : fragilité des fonds, biodiversité associée, tranquillité de certaines espèces sensibles au dérangement. Ces fermetures ont été acceptées par le comité régional des pêches. »

Cette gestion est d’autant plus importante, que tout peut basculer... surtout quand le climat se dérègle. Dès que l’eau dépasse 20 °C, des algues meurent au stade microscopique. Dans le sud de la Bretagne, des peuplements de macroalgues brunes ont déjà beaucoup régressé. Grâce à la proximité de la Manche et aux courants forts, la mer d’Iroise est encore préservée de la montée en température. Mais la stabilité de cet équilibre n’est pas garantie.

Sept tempêtes

La montée des températures et la mortalité due à la pêche ne sont pas seules responsables de l’évolution de ces forêts de laminaires. « En 2014, nous avons connu sept tempêtes majeures, avec des creux atteignant presque 20 m près du plateau molénais. Les effets ont été considérables sur la biomasse, les algues ont été arrachées jusqu’à 10 m de profondeur. » Le recyclage naturel de ces végétaux géants joue alors un nouveau rôle pour la vie de l’océan. Les crustacés décomposeurs (faune détritique) se nourrissent des algues arrachées en hiver. Ils servent de proies aux autres animaux, comme les bars qui reviennent en mars vers la côte refaire leurs réserves. Un univers de poissons (photo), de mammifères et d’oiseaux marins, des espèces qui reviennent parfois du grand large, gravitent autour de ces champs d’algues très productifs.

« Pour réussir la gestion de cette ressource, il faut énormément de connaissances partagées avec l’ensemble des acteurs, scientifiques et professionnels, conclut Philippe Le Niliot. Nous avons aujourd’hui un système d’exploitation durable, admis par tous, qui justifie nos efforts depuis dix ans. Il satisfait des objectifs de conservation, et des objectifs de production ! Il n’y a pas incompatibilité entre les deux, car ce système implique tous les acteurs. »

Le parc marin ouvre ses portes

Animations, expositions, conférences : le Parc naturel marin d’Iroise, créé le 24 septembre 2007, fête ses dix ans cette année. L’apothéose aura lieu dimanche 17 septembre, avec une opération “Portes ouvertes” dans ses locaux, à la pointe des Renards au Conquet (Finistère). Jeux, animations et conférences pour le jeune public, ateliers, balades en bateau... L’entrée est gratuite.

tél. 02 98 44 17 00
www.parc-marin-iroise.fr
Nicolas Guillas

(1) Lire Sciences Ouest n°255, juin 2008 (www. espace-sciences.org/sciences-ouest/255).
(2 )Service hydrographique et océanographique de la marine.
(3) Multi-approach mapping to help spatial planning and management of the kelp species L. digitata and L. hyperborea: Case study of the Molène Archipelago, Brittany. Journal of Sea Research 100 (2015) 2-21.

Philippe Le Niliot
tél. 02 98 46 63 30
philippe.le-niliot@afbiodiversite.fr

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