Dix polluants en ligne de mire

N° 361 - Publié le 12 avril 2018
Emmanuel Rinnert
Le prototype se compose d’une pompe (boîtier blanc, dans le bac), qui fait circuler la solution à analyser vers un capteur (boîtier noir, à gauche). Un laser excite les molécules à différentes longueurs d’onde. Un spectrographe est couplé à un détecteur (boîtier bleu), capable de mesurer l’intensité des photons diffusés par les molécules excitées. Dernier élément du prototype, un ordinateur compile ces données en un spectre interprétable.

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Pour mieux dépolluer les eaux, il faut identifier au plus vite les contaminants déversés sauvagement ou par accident.

Non, il ne s’agit pas de réintroduire d’immenses raies sur le littoral breton. Remantas est ici l’acronyme de “Raman exalté pour milieux aquatiques : une nouvelle technologie d’analyses sur site”. Terminé en juin 2016, ce projet avait pour objectif de mettre au point un outil de mesure des contaminants de l’eau (de mer et souterraine) transportable sur site.

L’intérêt de mesures rapides
D’ordinaire, pour qualifier et quantifier des contaminants, un technicien prélève un échantillon d’eau et l’adresse à un laboratoire, où il est analysé. C’est ainsi que procèdent certains réseaux de surveillance de la qualité des eaux littorales.

« Outre le coût important de ces opérations, ces prélèvements peuvent être dégradés par des microbes ou par les changements de température, de pression ou de pH, lors du stockage et du transport », déplore Emmanuel Rinnert, porteur du projet pour l’Ifremer aux côtés de cinq autres partenaires scientifiques(1) et d’un industriel(2). « De plus, en cas de pollution par des hydrocarbures, il est important de savoir rapidement s’il s’agit, par exemple, d’un composé volatil pour mettre en place les bonnes mesures, avant qu’il ne s’évapore. » C’est pour répondre à ces besoins qu’a été mise au point une valise-laboratoire capable, pour l’heure, de détecter dix substances(3) sélectionnées parmi celles de la liste prioritaire de la directive-cadre sur l’eau et de la liste des substances chimiques les plus transportées par voie maritime.

Comment mieux les détecter ?
Deux technologies sont associées : la spectroscopie de diffusion Raman et un capteur Sers. Le Raman permet d’identifier des molécules dans une solution, en excitant par un laser les liaisons entre leurs atomes. De cette analyse ressort un spectre spécifique de chaque molécule. « Un peu comme des empreintes digitales, compare Emmanuel Rinnert. Mais c’est une technique peu sensible, qui ne peut pas détecter les molécules faiblement concentrées comme celles que nous recherchions. Il a donc fallu abaisser sa limite de détection. » Comment ? En couplant au Raman un capteur Sers. Développé par les équipes des Universités de Troyes et de Paris-XIII et du BRGM, il se compose d’une plaque de nanocylindres d’or qui amplifie l’énergie du laser et excite par conséquent plus fortement les molécules, et d’une couche de sels de diazonium qui, grâce à leurs propriétés chimiques, “préconcentrent” les molécules d’hydrocarbures recherchées en les attirant au plus près de la zone pointée par le laser.

Pour valider ce prototype, les équipes ont procédé à des tests en laboratoire sur une cinquantaine de mélanges d’hydrocarbures, puis dans la Manche, la rade de Brest ou encore sur l’épave du Peter Sif à Ouessant.

« En comparant systématiquement les résultats de Remantas à ceux obtenus en laboratoire, nous avons montré que notre technique est aussi efficace, voire plus que les analyses classiques et coûteuses. » Propriété de l’Ifremer, ce prototype est en garde partagée avec le BRGM et le Cedre. L’un des objectifs futurs serait de le rendre étanche et autonome en énergie, afin de pouvoir l’immerger et suivre en temps réel la qualité des eaux de zones sensibles.

Des eaux surveillées de près

Pour répondre aux exigences des politiques publiques en matière de surveillance des eaux littorales (directives-cadres sur l’eau et stratégie pour le milieu marin, suivi sanitaire des coquillages), l’Ifremer contribue à plusieurs réseaux de surveillance parmi lesquels Rocch pour les contaminants chimiques, Rephy et Rephytox pour le phytoplancton et les phycotoxines dans les eaux et les coquillages, Remi pour la surveillance microbiologique dans les coquillages, Rebent pour la surveillance de la faune et de la flore benthiques et Resco/Mytilobs pour les ressources conchylicoles. Intégrant leurs données au sein d’une base partagée, ces réseaux sont chargés d’alerter les autorités et les professionnels de la zone concernée par un dépassement des normes.

Julie Danet

(1) Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux), BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), Université de Paris-XIII, Université de technologie de Troyes.
(2) Horiba scientific SAS. (3)Trois HAP (naphtalène, fluoranthène et benzo[a]pyrène), trois solvants chlorés (chloroéthylène, trichlorométhane et 1,2-dichloroéthane) et 4 BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylène).

Emmanuel Rinnert
tél. 02 98 22 41 61
emmanuel.rinnert@ifremer.fr

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