La vie sous les glaces de l’Arctique

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N° 310 - Publié le 6 juin 2013
© NATHALIE MORATA
Le fjord Kongsfjorden où l’équipe Ecotab a effectué ses prélèvements se situe à l’ouest de l’archipel du Svalbard sur l’île norvégienne du Spitzberg, en Arctique.

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Des chercheurs ont passé quatre saisons en Arctique pour étudier l’influence des eaux chaudes de la dérive nord-atlantique sur l’activité des organismes vivant dans le sédiment.

Une équipe de chercheurs, pilotée par Nathalie Morata, de l’IUEM(1), à Brest, a réalisé des campagnes au Spitzberg, en Arctique, pendant un an. Son objectif est d’observer le fonctionnement d’un fjord au fil des saisons pour décrypter les variations de l’écosystème. Il ne s’agit pas de n’importe quel fjord ; Kongsfjorden reçoit des eaux de la dérive nord-atlantique, c’est-à-dire des eaux chaudes formées sous l’effet du Gulf Stream. Cette dérive s’intensifiant, les eaux deviennent de plus en plus chaudes. En cela, le fjord est un indicateur de ce qui pourrait se passer ailleurs, sous l’effet du réchauffement climatique.

Conditions extrêmes

L’équipe Ecotab(2) a prélevé de la glace, de l’eau et du sédiment pour étudier le fonctionnement de l’écosystème, à chaque saison. La dernière campagne de janvier 2013 a bouclé le cycle de quatre saisons de prélèvements. Une telle étude au fil de l’année en Arctique est « très difficile à mettre en place », commente Nathalie Morata, coordinatrice du projet. A priori elle sait de quoi elle parle puisqu’ellemême a réalisé vingt-trois missions dans cette zone ! « Il faut parfois travailler par - 30 °C pour prélever du benthos à 300 m sous la glace. C’est pour cela qu’il existe peu de données sur ce qui se passe en hiver. » Il existe également peu de données portant à la fois sur la glace, l’eau et le sédiment.

Les trésors rapportés

L’équipe Ecotab étudie actuellement les prélèvements rapportés : analyse des matières particulaires en suspension dans l’eau, des éléments dissous, du phytoplancton, des bactéries, de l’activité des organismes dans la colonne d’eau et le sédiment... Nathalie Morata espère que l’ensemble des analyses sera terminé d’ici à la fin de l’année pour envisager une synthèse des résultats en 2014.

Une surprise

Mais un phénomène attire déjà l’attention des chercheurs. Pas besoin d’attendre les résultats de laboratoire pour le constater, ils l’ont observé en enregistrant la respiration et l’activité du sédiment en automne : les petites billes déposées sur la colonne de sédiment prélevée se retrouvent toutes en profondeur. Ce qui est la preuve d’une activité importante des organismes présents (bioturbation) à cette saison. « Alors qu’on s’attendait à ce qu’ils soient au repos. »

Il semblerait que l’activité des organismes vivant dans le sédiment augmente au cours de l’année. Elle est à son maximum l’été, pendant le soleil de minuit, qui apporte suffisamment de lumière pour permettre aux algues locales de croître, et ainsi nourrir les échelons alimentaires supérieurs. « Mais en automne, la nuit polaire est installée. L’activité observée pourrait peut-être s’expliquer par l’arrivée de nourriture avec la dérive atlantique. La présence de chlorophylle dans l’eau en automne atteste de la présence d’algues, provenant probablement des eaux chaudes de la dérive », commente Nathalie Morata.

Tester les aliments

La seconde phase du projet, après les prélèvements et l’étude des échantillons, consistera à alimenter les espèces vivant dans le sédiment avec des algues de glace et différents phytoplanctons naturellement présents dans le fjord pour étudier l’influence de la nourriture sur ces organismes. L’hypothèse sous-jacente étant que le réchauffement de l’eau de la dérive nord-atlantique modifie la nourriture disponible pour les organismes pélagiques et benthiques.

Michèle Le Goff

(1)IUEM : Institut universitaire européen de la mer, au Lemar : Laboratoire des sciences de l’environnement marin.
(2)Ecotab réunit une dizaine de personnes du Lemar, ainsi que des chercheurs de la Station biologique de Roscoff, de l’université de Perpignan, mais aussi de Norvège, du Canada, d’Allemagne, de Pologne, d’Espagne. Le projet est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et soutenu logistiquement par l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (Ipev). Débuté en novembre 2011, il se poursuivra jusqu’à novembre 2014.

Nathalie Morata Tél. 06 71 36 29 45
nathalie.morata [chez] gmail.com (nathalie[dot]morata[at]gmail[dot]com)
www-iuem.univ-brest.fr/ecotab

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