Les futures usines à plastique

N° 334 - Publié le 12 octobre 2015
CEVA
Les algues vertes sont cultivées en grandes quantités dans le bassins de pisciculture d'Algaplus, une entreprise portugaise partenaire du projet.

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Un projet européen vise à cultiver des algues pour produire des sachets plastique biosourcés entièrement biodégradables.

Quelles soient rouges, brunes ou vertes, les algues sont décidément pleines de ressources. Le Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva, Côtes-d’Armor) les utilise pour produire du plastique biosourcé. « Avec une dizaine de partenaires européens(1), nous mettons au point des procédés de production d’acide polylactique (PLA), un polymère plastifiant », explique Maud Benoit du Ceva. Ce plastique rétractable biosourcé n’est pas nouveau. Majoritairement produit aux États-Unis à partir d’amidon de maïs, il est actuellement utilisé dans l’emballage (sachets plastique, habillages de bouteilles...).

« Ici, les algues remplacent le maïs : elles produisent également des polysaccharides comme l’amidon. Et par rapport aux céréales, leurs avantages sont nombreux », dit la chercheuse. Leur culture ne nécessite aucun fertilisant chimique. Elle se fait en eau de mer, ce qui préserve les ressources en eau douce et évite d’empiéter sur les terres agricoles destinées à l’alimentaire, « et, surtout, la productivité des algues peut atteindre jusqu’à dix fois pour les brunes et vingt fois pour les vertes celle des céréales de blé ou de maïs. Concernant, par exemple, la culture d’ulves, on peut espérer produire 150 à 200 tonnes de matières sèches en bassin par hectare ! », souligne Maud Benoit.

Tripler les réserves d’amidon

L’Ulva armoricana est l’une des algues étudiées au Ceva. Connue pour les marées vertes qu’elle crée sur les plages bretonnes, elle fait partie des laitues de mer. « L’intérêt, c’est qu’on peut combiner la culture de cette algue en bassin avec celle des poissons. Les déchets de pisciculture lui servent de nutriments. C’est un système naturel d’épuration des eaux. On gagne aussi encore en espace et en consommation d’eau. » L’Ulva produit deux sortes de polysaccharides nécessaires à sa croissance et potentiellement utilisables pour faire du PLA : l’ulvane qui lui sert à structurer sa paroi, et l’amidon, qu’elle stocke comme sucre de réserve. Une technologie propre au Ceva permet de forcer l’algue à produire un maximum d’amidon : « L’idée est d’induire des carences en nutriments ce qui met l’algue en situation de stress et la pousse à tripler ses réserves de sucres ».

Mesurer les impacts environnementaux

Outre l’algue verte, deux autres familles d’algues (brune et rouge) sont étudiées et produites en grandes quantités dans le cadre du projet. « Une fois que l’on a extrait les polysaccharides, on les hydrolyse pour obtenir du glucose. C’est ensuite la fermentation du glucose en acide lactique qui donnera du PLA. » Même si le principe est toujours le même, chaque algue nécessite un procédé particulier de production de plastique, en fonction du sucre qu’elle produit et de ses propriétés chimiques. « Il reste à déterminer celle qui offre les meilleurs résultats parmi les trois que l’on a sélectionnées, ajoute Maud Benoit. Il s’agit là d’analyser le cycle de vie des algues, c’est-à-dire d’étudier tous les impacts économiques et environnementaux de leur exploitation jusqu’à l’obtention du produit fini. » Les conclusions de l’étude tomberont au début de 2016 !

D’autres ressources à l’étude

Le sal est un arbre d’Inde. Là-bas, ses feuilles sont utilisées pour confectionner des coupelles pour les repas. Elles sont tressées puis compressées à chaud avec de la colle à base d’amidon de riz. « Mais ces coupelles commencent à se faire rares en Inde, car la mode y est plutôt au plastique pétrosourcé, explique Jean-Luc Audic, chercheur à l’École nationale supérieure de chimie de Rennes. Ici, avec l’annonce de la fin du pétrole, la tendance est inversée ! Nous avons donc repris et amélioré le concept pour créer une barquette biodégradable. » Dans la version rennaise, l’amidon de riz a été remplacé par de l’amidon de maïs, plus solide. Il forme un film transparent autour du tressage pour le consolider. Deux ans de recherche ont abouti à un dépôt de brevet en 2013. « Ces nouvelles assiettes sont actuellement commercialisables et seraient bien adaptées aux stands des festivals, par exemple. » Outre les feuilles de sal, Jean-Luc Audic s’intéresse à une huile végétale issue de la production de compléments alimentaires à base d’extraits de brocoli utilisés pour traiter le cancer de la prostate. « Elle est pure, inodore et facile d’utilisation, mais elle n’est pas conseillée pour l’alimentation. On a donc eu l’idée d’en faire du plastique. » Encore à l’état de recherche, le projet pourrait trouver des applications dans toute sorte de matériaux, du joint de portière de voiture à la cire de bougie !

Jean-Luc Audic
Tél. 02 23 23 81 60
jean-luc.audic@univ-rennes1.fr
Klervi L’Hostis

(1) Dans le cadre du projet Seabioplas, entamé en octobre 2013 et financé par le septième programme-cadre (FP7) de l’Union européenne.

Maud Benoit Tél. 02 96 22 93 50
maud.benoit@ceva.fr

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