Ça roule tout seul !

N° 342 - Publié le 22 juin 2016
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Philippe Martinet et Xavier Koreki sur le campus de l’École centrale de Nantes, devant la Zoé, entièrement automatisée par leurs soins.

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À Nantes, des chercheurs planchent sur la mise en situation de véhicules autonomes, en convoi ou dans une foule.

En voiture ! Nous nous installons dans une Zoé (photo) pour un petit tour du campus de l’École centrale de Nantes. Xavier Koreki, ingénieur de recherche dans l’équipe Robotique mobile de l’Irccyn(1) dirigée par Philippe Martinet, s’installe à la place du conducteur, appuie sur le bouton de démarrage puis lâche le volant... La voiture se met en marche, accélère, puis ralentit à l’approche du premier virage et du dos d’âne, poursuit sa route jusqu’à faire demi-tour pour revenir au point de départ. Tout s’est bien passé ! Xavier a juste repris le volant une fois, au moment de doubler des piétons. « Nous avons appris ce trajet à la voiture, mais pas encore à gérer les situations exceptionnelles comme freiner et éviter un obstacle », explique-t-il.

Un convoi de quatre voitures

La Zoé a été entièrement automatisée par Salvador Dominguez Quijada, autre ingénieur de l’équipe. À l’extérieur, caméras à 180 ° à l’avant et à l’arrière, télémètres laser d’une portée de 30 m sur les côtés pour les yeux ; à l’intérieur, le volant, les freins et l’accélérateur ont été robotisés, mais l’opération est quasiment invisible : on ne voit que l’interface, un écran de la taille d’une tablette ainsi qu’un petit boîtier entre les deux sièges.

Le but de l’opération n’est pas bien sûr de tourner en rond sur le campus. « Nous disposons à ce jour de trois véhicules autonomes : la Zoé et deux petits véhicules style voitures de golf, poursuit Philippe Martinet. L’un a été robotisé par nos soins sur le même schéma que la Zoé, l’autre a été acheté tel quel. Car nous travaillons sur l’autonomie des véhicules en convoi, dans le cadre du projet ANR Valet Parking(2). » Ce genre de convoi constitué d’un véhicule de tête conduit de façon classique, suivi par trois véhicules autonomes, pourrait être utilisé pour redistribuer les voitures dans les flottes d’autopartage en libre-service (comme les Autolib’ à Paris). Un seul conducteur pourrait ainsi déplacer plusieurs voitures en même temps.

Réduire les distances

Dans ce projet, en plus des aspects liés à l’autonomie pure (réactivité, sécurité, acceptabilité...), les chercheurs doivent prendre en compte des aspects inhérents à la circulation en convoi comme la communication en temps réel entre les voitures et la réduction au maximum de la distance entre eux. Un convoi pourrait mesurer entre 15 et 17 m (la taille d’un camion avec remorque) ce qui correspond à un convoi de quatre à cinq véhicules. « Nous avons testé le concept en théorie grâce à des simulations : c’était l’objet de la thèse d’Alan Ali, soutenue en septembre dernier, précise Philippe Martinet. Aujourd’hui, nous sommes prêts pour nous lancer en réel. Nous comptons commencer d’ici à l’été sur le campus avec quatre véhicules. » Garez-vous !

Le véhicule qui fend la foule

Ce sera le visage des villes de demain : des espaces partagés où se côtoient tranquillement piétons, vélos, trams et voitures... « En France, nous sommes très en retard sur cette question, note Philippe Martinet, responsable de l’équipe robotique mobile à l’École centrale de Nantes. Les lignes de trams, par exemple : elles sont systématiquement dédiées alors qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas, elles sont ouvertes. » Le projet(3) dans lequel il se lance s’intéresse à la circulation d’une voiture au sein d’une foule, mais avec une contrainte supplémentaire : la voiture sera autonome ! Les chercheurs vont avoir à traiter deux types d’interactions : avec les personnes dans la voiture et avec la foule à l’extérieur pour trouver un compromis entre la sécurité (je laisse passer les piétons) et l’interruption du flux (j’en laisse passer tellement que je ne peux plus redémarrer). « C’est toute l’originalité du projet, reprend Philippe Martinet. Car normalement, les robots mobiles ne négocient pas : ils s’arrêtent. Or, ici, ils vont devoir mimer le comportement humain : quand on veut aller quelque part, on commence par bouger. La voiture devra faire pareil ! » Une expérimentation de la navigation sociale...

Nathalie Blanc

(1) Institut de recherche en communications et cybernétique de Nantes : École centrale de Nantes, CNRS, Mines Nantes, Université de Nantes.
(2) Projet de l’Agence nationale de la recherche piloté par Fawzi Nashashibi d’Inria Paris.
(3) Projet ANR No Hands en collaboration avec Inria Grenoble (Anne Spalanzani) et Paris.

Philippe Martinet
tél. 02 40 37 69 75
Philippe.Martinet@irccyn.ec-nantes.fr

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