Passer le cap du mal de mer

N° 353 - Publié le 23 juin 2017
Michèle Le Goff
Le fauteuil, dans lequel Loïs Bonne est installé, monte jusqu'à 1,40 m du sol, pour chuter brutalement, comme après le passage d'une vague sur l'océan.

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À Brest, à l’hôpital d’Instruction des Armées, on reproduit le mouvement de l’océan pour combattre le mal de mer.

Harnaché sur un fauteuil, vous subissez de plein fouet l’effet de la houle. Devant vous des trains de vagues menaçants et, sur les côtés, des montagnes d’eau qui vous dépassent, dans le roulis. Votre fauteuil s’élève pour chuter subitement de plus d’un mètre. Hauts les cœurs ! Le dispositif Nausicaa(1) n’a rien à envier à un manège à sensations. Il couple un fauteuil qui coulisse verticalement et un casque 3D à un système informatique qui reproduit, d’après des données réelles, le mouvement de la houle y compris son irrégularité. La hauteur des vagues (jusqu’à 1,40 m), et donc de chute du fauteuil, leur fréquence, la luminosité ambiante... sont paramétrables. C’est le chef de service ORL de l’Hôpital d’instruction des armées, à Brest, qui a eu l’idée d’immerger virtuellement les patients en plein océan et de soigner le mal par le mal !

Dépasser le conflit

En mer, l’oreille interne est fortement stimulée voire perturbée par les accélérations imprévisibles et désordonnées liées à la houle. Les liquides circulant dans le vestibule, l’organe de l’équilibre, ont des déplacements anarchiques tandis que les perceptions visuelle et sensorielle sont beaucoup plus stables. « Nous essayons d’obtenir une adaptation du cerveau à ces mouvements », précise le docteur Loïs Bonne. Une fois cette adaptation trouvée et expérimentée plusieurs fois, le cerveau sait, définitivement, y recourir.

Sur terre comme sur l’eau

Une trentaine de patients, civils et militaires, naviguant régulièrement (marine marchande, marine navale, pêche, plaisance...) testent le dispositif depuis le mois de janvier.

« Je voulais les mettre dans des situations similaires à celles qui leur posent problème », explique le médecin. Auparavant dans le service, on soignait le mal de mer avec des techniques plus classiques, sans immersion 3D ni effet de houle, qui connaissaient déjà un bon succès(2). Loïs Bonne a souhaité optimiser cette rééducation en confrontant ses patients à des mouvements les plus proches possible de ceux de l’océan.

Pour ce faire, il a mis en place une collaboration étroite entre la Direction générale de l’armement (DGA) qui dispose de données sur les mouvements réels des bateaux et le Centre européen de réalité virtuelle (Cerv) qui a conçu l’application visuelle. C’est une entreprise brestoise, Actris, qui a assuré l’interface informatique et la mécanique (fauteuil sur vérins...). Le tout a été coordonné par le professeur Jean-Yves Billard de l’École navale. La plate-forme Nausicaa représente quatre années de travail.

Verdict en mer

Le chef de service en est satisfait même s’il « faut attendre que les personnes rééduquées avec Nausicaa soient confrontées à diverses situations maritimes pour juger de l’efficacité. » Une recherche clinique est en cours sur ce sujet. Les premiers résultats sont attendus pour la fin de l’année. Cette étude donnera lieu, d’ici à deux ou trois ans, à une comparaison avec la technique de rééducation précédente. Espérons que les patients, à l’issue de leurs navigations, soient heureux... comme Ulysse.

Michèle Le Goff

(1) Du nom du personnage Nausicaa, de l’Odyssée d’Homère qui a recueilli Ulysse « dont les naufrages seraient davantage dus au mal de mer qu’aux tempêtes, d’après Sénèque », souligne Loïs Bonne.
(2) 80 % des personnes rééduquées se disaient moins sujettes au mal de mer.

Loïs Bonne
tél. 06 01 13 61 81
lois.bonne@hotmail.fr

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