Des espèces toujours à protéger

N° 358 - Publié le 15 janvier 2018
Philippe Defernez

Magazine

4236 résultat(s) trouvé(s)

À l’heure de compter les sites d’hibernation, le constat est déjà là : seules les espèces protégées se maintiennent.

Cinq battements par minute. C’est le rythme cardiaque des chauves-souris au cœur de l’hiver, en pleine hibernation. Elles se réveillent néanmoins toutes les trois semaines pour chasser quelques insectes, voire changer de site (jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde). Elles ne sont donc pas totalement immobiles jusqu’au printemps.

 

 

 

 

Comptage des sites d'hibernation des chauves-souris
à Châteaubriant (Loire-Atlantique) au mois de janvier 2017.
GMB

 

 

Il y a quelques mois à peine, certaines colonies ont traversé une partie de l’Europe à l’automne pour venir hiberner sous notre climat tempéré. On le sait moins, mais quelques espèces de chauves-souris sont migratrices, comme la pipistrelle de Nathusius, la noctule commune et de Leisler. Elles peuvent parcourir 2000 km pour rallier leur site estival en Allemagne ou en Pologne à leur site d’hibernation dans l’ouest de la France.

Migratrices ou locales, en ce mois de janvier, les petites bêtes dorment. Les membres du Groupe mammalogique breton (Gmb), eux, se préparent à débuter, d’ici à la fin du mois, le comptage des sites d’hibernation. Ils suivent en effet des centaines de sites à travers la Bretagne.

Préserver les sites d’hibernation

Ils dressent des constats de leurs observations tout au long de l’année. « Nous constatons qu’ici comme dans d’autres régions, les espèces les plus en danger (petit et grand rhinolophes, grand murin et murin à oreilles échancrées) présentent des effectifs stables voire légèrement en hausse dans les sites d’hibernation suivis, commente Nicolas Chenaval, chargé de mission études et conservation pour le Gmb. Et cela depuis dix ou vingt ans, du fait des mesures de protection mises en place, notamment pour préserver les sites d’hibernation des intrusions et dérangements. » Les colonies de mise bas(1) de certaines espèces, comme celle découverte en juillet 2017 en Ille-et-Vilaine (voir encadré), sont régulièrement placées par les préfets en arrêté de protection de biotope.

Une tendance européenne

Par contre, les espèces communes, qui, jusque-là, n’avaient pas été identifiées comme à protéger de toute urgence, souffrent. « La pipistrelle commune, par exemple, présente dans un comble sur trois, ne va pas bien. Les colonies ont perdu 30 % de leur effectif ces dix dernières années, selon les suivis acoustiques du réseau Vigie-Nature, initié par le Muséum national d’histoire naturelle. Cette tendance est nationale, et même européenne », précise Nicolas Chenaval. Il rapporte que nous aurions perdu, en un siècle, 80 à 90 % des effectifs de la plupart des espèces de chauves-souris. Ces disparitions s’expliqueraient notamment par la difficulté à se nourrir (moins d’insectes). Mais aussi par des dangers multiples, comme les éoliennes qui auraient coûté la vie à 1,6 million de chauves-souris en France entre 2002 et 2015.

Pour tirer la sonnette d’alarme, l’association Bretagne Vivante, qui étudie les chauves-souris et autres mammifères avec le Groupe mammalogique breton, a édité en mai 2017, dans son magazine Penn ar Bed, la liste rouge des espèces à protéger dont, bien sûr, des espèces de chauves-souris.

Des bébés bretons !

Ils ont remonté la piste d’individus qui sortaient d’un bois au crépuscule, un soir de juillet dernier, dans les environs de Pipriac (Ille-et-Vilaine). L’occasion était inespérée, car les noctules communes ne se laissent pas observer à hauteur d’arbres. Elles volent bien plus haut. Le lendemain soir, la petite expédition du Groupe mammalogique breton a capturé dans ses filets un jeune individu, presqu’un bébé. « Il faisait certainement l’un de ses tout premiers vols », précise Thomas Le Campion, coordinateur des actions sud Ille-et-Vilaine et Morbihan.

Cette capture prouve que la noctule commune met bas en Bretagne. Jusque-là, les spécialistes n’avaient aucune preuve que cette espèce, davantage présente en Europe de l’Est, se renouvelle ici. Ils n’avaient pas observé de jeunes ni de preuves sur les femelles (ventre rond, lait dans les mamelles ou traces sur les tétines).

« Pour autant, la colonie de mise bas n’était composée que de quelques individus », souligne Thomas Le Campion, ce qui n’est pas bon signe pour la pérennité de la noctule commune, classée vulnérable en France. « Elle est menacée comme toutes les espèces, mais en plus, ici, elle se trouve en limite d’aire de répartition. »

Michèle Le Goff

(1) Une fois par an, en juin généralement, les femelles se regroupent dans un même gîte pour mettre bas.

Nicolas Chenaval, nicolas.chenaval@gmb.bzh
Groupe mammalogique breton - Siège régional,
tél. 02 98 24 14 00

TOUT LE DOSSIER

Abonnez-vous à la newsletter
du magazine Sciences Ouest

Suivez Sciences Ouest