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Benoît Stichelbaut

Océan : un monde à explorer

N° 364 - Publié le 10 septembre 2018

Magazine

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Comment va l’océan ? Bruno David, le président du Muséum, est plutôt pessimiste. Mais tout reste à découvrir.

« Nous allons dans le mur. Nous ne savons pas à quelle vitesse, mais il y a urgence. » Bruno David, le président du Muséum national d’histoire naturelle(1), est pessimiste. « Je suis très inquiet pour l’océan. L’effondrement des effectifs est un signe très négatif. » Sur les continents, les chiffres concernant les oiseaux(2), les insectes et les mammifères parlent d’eux-mêmes. Le scénario est le même dans l’océan ! Poissons, mollusques, algues, crustacés... La biomasse d’origine marine s’affaiblit et sa distribution évolue vers des espèces plus petites, au détriment des grandes. Ces diminutions préoccupantes rappellent les grandes crises d’extinction. « La fécondité baisse et les jeunes survivent moins bien. Le nombre d’individus diminue de génération en génération, et les espèces finissent par s’éteindre.»

Les espèces communes touchées

Surpêche, pollutions, espèces invasives, trafic maritime, dérèglement climatique... L’océan subit de nombreuses contraintes liées aux activités humaines (pressions anthropiques). « Le problème est multifactoriel, poursuit le spécialiste en paléontologie et biologie marine. Ce sont les espèces les plus communes qui sont touchées. » Les exemples de la morue et du thon rouge l’illustrent. Leur surpêche ne conduit pas à leur extinction, mais il est primordial d’éviter l’effondrement des stocks. « Nous exploitons la faune sauvage et nous privilégions des espèces au sommet de la chaîne alimentaire, comme le thon. » Cela perturbe tout l’écosystème. Le réchauffement climatique a aussi une grande part de responsabilité. Les coraux sont au premier rang des espèces affectées. Lorsque la température dépasse un certain seuil, pendant une durée d’exposition critique, les algues dites symbiotiques, qui aident les coraux à respirer et à se nourrir, sont expulsées. Les coraux blanchissent et meurent. « Sur la grande barrière d’Australie, un tel événement s’effectue normalement environ tous les 30 ans. Il revient désormais tous les 6 ans, avec deux épisodes entre 2016 et 2017. »

Besoin de connaissances

« Comment l’océan va-t-il évoluer ? Je ne sais pas. » Les scientifiques proposent des scénarios, en s’appuyant sur des critères physico-chimiques, mais ils ne peuvent pas prédire l’évolution des interactions entre espèces. Les écosystèmes pourraient basculer dans des modes de fonctionnement imprévisibles. « Il faut donc modifier le modèle de nos sociétés. Nos pratiques doivent changer. » La solution, selon le président du muséum, se trouve dans une prise de conscience, suivie d’une pression sociale.

Mais la première étape est la découverte. « Nous connaissons mal l’océan. Il y a tout un compartiment de la biosphère océanique que nous découvrons », précise-t-il en faisant référence aux résultats de la mission Tara Océans. Multipliant les expéditions, les chercheurs à bord de la goélette ont découvert 1,5 million de nouvelles espèces. Elles sont microscopiques, mais relativement perfectionnées, puisque leurs cellules ont des noyaux (eucaryotes). Très différentes les unes des autres, ces espèces représentent une montagne d’informations. « De telles découvertes marquent notre ignorance de mécanismes extrêmement complexes, note le biologiste. Nous avons besoin de connaissances. Nous ne pouvons pas gérer l’océan comme un aquarium. »

MARION GUILLAUMIN

(1) Bruno David sera à l’Espace des sciences le 2 octobre en conférence, en résonnance avec l’exposition Cyclops, explorateur de l’océan.
(2) Lire Déclin de la biodiversité : les oiseaux y laissent des plumes, Sciences Ouest n° 362, mai 2018.

Bruno David
presidence@mnhn.fr

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