Pourquoi se préoccuper de l'océan ?

Carte blanche

N° 374 - Publié le 1 septembre 2019
Océan au crépuscule
Pixabay
Portrait de Gilles Boeuf
Carte blanche
Gilles Boeuf
Professeur à Sorbonne Université, président du conseil scientifique de l’Agence française pour la biodiversité.

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Éric Tabarly disait que pour la plupart des Français, l’océan est ce qu’ils ont dans le dos quand ils sont à la plage ! Cet océan est synonyme de vacances, de plage et de soleil. Il suffit d’assister à la transhumance des citadins vers nos côtes chaque été.  Et aussi de scruter ce paradoxe qui consiste à économiser une partie de l’année pour se baigner à la même heure que tout le monde, par exemple à la fin d'une étape du Tour de France, juste au moment où le pic de bactéries fécales dans l’eau littorale atteint son maximum journalier ! Nous naviguons entre paradoxes et incohérences.

L’océan est une gigantesque masse d’eau salée, continue et unique, beaucoup plus stable que les autres écosystèmes sur la Terre. Certaines masses d’eau océaniques, polaires ou profondes, peuvent ne pas varier de plus d’un demi-degré sur l’année, avec une acidité et une salinité constantes.  

Régulateur du climat

L’océan est, de très loin, le principal régulateur du climat. Sans lui, nous souffririons beaucoup plus des effets du changement climatique accéléré que nous observons ces dernières années.  Il a absorbé 93 % de l’énergie en excès depuis le démarrage de nos émissions vers la fin du 18e siècle. L’océan stocke l’énergie et la restitue beaucoup plus lentement que l’atmosphère. Il absorbe entre 25 et 30 % du CO2. Cela n’est pas sans effet sur son acidité, amplifiée d’un tiers depuis 250 ans.

L’océan est bien différent des systèmes continentaux, car on ne peut pas le détruire, excepté sur la frange littorale, où s’agglutinent les grandes villes du monde. Par contre, nous continuons à le polluer et à le surexploiter.

Combattre la pollution

La pollution généralisée, pas seulement par les plastiques qui sont une préoccupation majeure, doit être très activement combattue. Aucun effluent non traité ne doit parvenir au rivage ! Les métaux lourds, les déchets organiques, les médicaments, les perturbateurs endocriniens et les hydrocarbures constituent une sérieuse menace. Comment admettre qu’une tortue de 80 ans, issue de 200 millions d’années d’évolution, soit asphyxiée par un sac en plastique qui a servi vingt minutes pour ramener nos tomates du marché ?

Les questions de surpêche sont désormais solidement abordées. Une régulation de ce bien commun qu’est l’océan est aujourd’hui envisageable avec le monde de la pêche.  Pêche et mariculture fournissent aux humains près de 200 millions de tonnes de ressources vivantes.

Éviter de graves désordres

Le transport maritime est un puissant vecteur de déplacement d’espèces vivantes (via les ballastages des tankers notamment) dans tous les « coins des mers ». C’est un sujet à aborder activement pour éviter de graves désordres d’efflorescences toxiques ou d’effondrements des écosystèmes.

Quant au climat, si l’océan modère les excès actuels il ne peut le faire que vivant : le phytoplancton, les herbiers, la mangrove, le corail et le milieu profond jouent un rôle considérable dans la capacité de l’océan à fixer le CO2 et à produire de l’oxygène.

Alors, beaucoup plus d’attention et de respect pour cet océan. Il n’est pas une poubelle. Il a abrité l’émergence de la vie. Sans un océan en bonne santé, notre avenir sera sombre.

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