La pêchécologie : une pêche vraiment durable est possible

Carte blanche

N° 408 - Publié le 1 avril 2023
Pêche
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Didier Gascuel
Carte blanche
Didier Gascuel
Directeur du Pôle halieutique à l’Institut Agro de Rennes

Magazine

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Chacun le sait désormais : nous vivons le temps des crises et des transitions. Dans un laps1 de temps très court, nos modes de production, de consommation et de gouvernance doivent changer radicalement. Le secteur des pêches maritimes ne fait pas exception. Comme les autres, il doit se décarboner, s’adapter au dérèglement climatique, réduire drastiquement ses effets sur la biodiversité marine et repenser son rapport à la société. Mais plus encore que tous les autres, il a l’obligation de réussir sa mutation.

Première alliée de sa préservation

D’abord, parce que ce secteur dépend intrinsèquement du vivant. Au cours du siècle dernier, la pêche a vidé les océans d’une partie de ses ressources et perturbé en profondeur le fonctionnement des écosystèmes. Elle fait aujourd’hui face à de nouvelles problématiques : les pollutions marines, la détérioration des habitats, et par-dessus tout, la vague immense du changement climatique. Déjà, les espèces se redistribuent vers les pôles, la productivité des océans tend à diminuer, les invasions biologiques se multiplient. Ne pas reconstruire des écosystèmes sains, productifs et résilients serait se condamner à la faillite économique et au chaos écologique.

Ensuite, parce que le secteur des pêches interpelle une société de plus en plus préoccupée, et à juste titre, par la crise écologique. Là aussi, ne pas se transformer serait suicidaire. La pêche doit cesser d’être le premier facteur d’érosion de la biodiversité marine, et devenir la première alliée de sa préservation. Elle doit montrer qu’elle est utile pour nous fournir une alimentation de qualité, mais aussi comme outil d’aménagement du territoire. En Bretagne tout particulièrement, la petite pêche pèse beaucoup plus lourd en matière d’emplois induits, d’équilibre et de vitalité des activités côtières mais aussi de culture et d’identité régionale que son simple poids économique. Le lien à la société est vital. Faute de quoi, la pêche pourrait bien perdre le soutien de l’opinion publique et être sacrifiée sur l’autel de la bonne conscience écologique collective.

Mobiliser l’innovation et l’intelligence

Une pêche nouvelle est donc à inventer. Mettre fin à la surexploitation des ressources est évidemment indispensable, mais c’est en réalité très insuffisant. On ne peut plus considérer comme durable la gestion des pêches actuelles, qui accepte que l’abondance des populations de poissons exploitées soit divisée par trois au motif qu’il reste alors suffisamment de géniteurs dans la mer pour assurer le renouvellement des générations. Cette approche ne tient compte ni des interactions entre espèces, ni des changements de structure des écosystèmes, ni des impacts du chalut sur les fonds marins. Toutes les normes de gestion sont à repenser. Les juvéniles, les habitats, les espèces sensibles (mammifères, oiseaux, requins…) doivent être préservés. Les aires marines réellement protégées. Les flottilles vertueuses encouragées.

Dernier ouvrage paru : La pêchécologie, manifeste pour une pêche vraiment durable (Editions Quae, collection Essais, 96 p.)

 

 

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